Le petit miracle de la solidarité

Un an et demi après le début de l’épidémie, petites et grandes associations portent le même constat : la hausse des demandes observables lors du premier confinement se maintient. « On est passé de 9 000 familles accompagnées avant la crise à 15 000 aujourd’hui, témoigne Sonia Serra, la présidente du Secours Populaire des Bouches-du-Rhône. On se rend compte au bout d’un an qu’on est toujours sur la même alerte, la même urgence. »
Et quand décrue il y a eu, le niveau des demandes reste toujours plus élevé qu’avant la crise sanitaire, et semble se stabiliser sur ce plateau. Plus 15 % selon la Banque Alimentaire des Bouches-du-Rhône. Un constat partagé par Charles Martre, président de la société Saint-Vincent de Paul de Marseille, qui remarque « une certaine stabilisation depuis 2021, mais pas de baisse en vue ».
On en entend peu parler, mais de nombreuses associations religieuses ou communautaires fournissent également une aide cruciale depuis le début de la crise sanitaire et sociale. Difficile toutefois de quantifier leur importance. Pour Gérard Gros, le directeur de la Banque alimentaire 13 : « Elles ont leur existence, ce n’est pas un paramètre qui doit rentrer en compte quand on les approvisionne. » Mais comme le résume Sonia Sera, leur aide est plus que bienvenue : « Tout le monde est tellement utile, on a vraiment besoin de tout le monde ! »
Des « perles rares »
L’association catholique Saint-Vincent de Paul a ainsi crée « Les paniers de Fred » lors du premier confinement, après avoir été « interpellée par la situation dans laquelle se trouvaient les jeunes, explique Charles Martre. Beaucoup d’associations font des distributions sur le plan des repas mais on s’est rendu compte que le petit déjeuner était un peu un secteur oublié ». La distribution qui a lieu chaque après-midi de 14h à 17h est ouverte à tous. Un panier permet aux étudiants de faire douze petits déjeuners.
Après quelques mois de maraudes pour venir en aide aux plus démunis de son quartier de La Castellane, Cherifa Bouali a elle décidé de créer son association en juin 2020 : Les perles rares de La Castellane. Cette couturière effectue depuis des distributions de repas directement chez les gens, en fonction des besoins de chacun. Elle aussi a remarqué une hausse croissante des demandes de soutien. En lien avec le centre social de La Castellane, elle organise également des goûters lors des fêtes religieuses musulmanes. « Pour l’Aïd, il y a eu plus de 600 petits au goûter ! », s’exclame Cherifa Bouali.
Initialement rattachée à la mosquée des Bleuets (3e arrondissement), et désormais indépendante, l’association Les Bleuets intervient prioritairement en direction des sans-abris. Signe particulier, elle est portée par des jeunes, dont la moyenne d’âge n’atteint pas les 30 ans. Si la structure existait avant la crise sanitaire, son soutien s’est accentué au cours de cette période difficile. « Il y a trois ans on faisait une maraude tous les 15 jours, l’année dernière une par semaine et cette année deux par semaine », explique Medhi, qui a rejoint l’association dès ses débuts.
A peine quelques minutes après le début de la maraude, sur le Vieux Port, plusieurs personnes affluent déjà autour des bénévoles en ce jeudi soir ensoleillé. C’est dans une ambiance joyeuse qu’ils distribuent pendant près de deux heures des plats chauds préparés au cours de l’après-midi : cette fois-ci composés de lentilles et d’agneau. Pour en bénéficier, un seul impératif rappelé par Medhi : « On leur pose juste une question, savoir si vraiment ils sont dans le besoin. » Une fois arrivé au point final de la maraude, place Colbert, les cent sachets repas accompagnés du plat chaud ont presque tous été distribués. Pourtant, une vingtaine de personnes, pour la plupart des étrangers, font encore la queue…
Une aide « vitale »
Un peu plus tôt dans la journée, entre 16h30 et 18h, c’est l’Armée du Salut, association protestante, qui organise une distribution alimentaire au profit, cette fois-ci, des étudiants étrangers. Cette aide existe depuis deux ans, mais avec la crise sanitaire, les bénévoles remarquent que « ce qui était un appoint est devenu quelque chose de vital ». L’association distribue entre 20 et 30 paniers repas par semaine. Située sur l’avenue de la Canebière, les étudiants y affluent chaque jeudi par petits groupes de deux ou trois, souvent un peu gênés, mais soulagés d’avoir de quoi manger pour plusieurs jours.
Alexandre et Pierre (1), tous deux étudiants en master, sont très reconnaissants envers les bénévoles de l’Armée du Salut. « C’est vital, car chaque jeudi, on est certain d’avoir quelque chose pour la semaine, donc ça fait un peu moins de stress », racontent-ils. C’est le Crous qui les a dirigés vers cette association, suite à la perte de leurs emplois respectifs : « Avant on faisait des missions d’Intérim, mais avec le Covid tout a fermé et on a dû arrêter, donc on n’avait plus de rentrée d’argent. Les associations ont été un grand soutien pour nous dans cette crise, car l’État a surtout aidé les personnes en CDI. »
Si la plupart ne font pas de distinction en fonction des croyances, des origines des demandeurs, certaines semblent être plus communautaires. Ce que regrette le directeur d’un centre social des quartiers nord de Marseille : « Certaines associations font des distributions sauvages, très en catimini, ça laisse des gens de côté et c’est dommage. »
1. A la demande des intéressés, les prénoms ont été changés.