« Des intermittents dans l’angle mort de la solidarité nationale »
Alexia Vidal : « On attend toujours la circulaire d’application mais la bonne nouvelle c’est que plus d’intermittents vont pouvoir bénéficier de l’année blanche, le maintien de leurs droits jusqu’à fin août 2021, car la période pour effectuer les 507 heures a été rallongée. Les mauvaises, c’est qu’il n’y a rien de prévu pour ceux qui n’ont pas pu renouveler leurs droits et que pour beaucoup il y aura une baisse de revenus. Car quand ils ne travaillent pas, les intermittents sont au chômage partiel et touchent moins. Il y aussi de grandes inquiétudes pour la suite après les nombreuses annulations, y compris à cause des trous de trésorerie de structures. Et nous n’avons aucune certitude qu’il y ait une vraie reprise. Le problème va donc se reporter sur 2021 et plus. »
Claude Attia : « Franck Riester [prédécesseur de Roselyne Bachelot au ministère de la Culture, Ndlr] a demandé à ce que les festivals et communes soient solidaires, mais ça a été différent sur les territoires. Avec les municipales, ça a été parfois compliqué pour des compagnies (1). Certaines communes ont préféré mettre les financements dans des actions de solidarité ou dans la lutte contre le Covid-19, mais il a aussi fallu se battre juridiquement pour faire comprendre que même si une date est reprogrammée les artistes et techniciens ont droit au chômage partiel […] En fonction de ce que l’on fait, nous n’avons pas les mêmes périodes de travail. A titre personnel, je travaille toute l’année, sauf l’été, et je ré-ouvre mes droits mi-mars. Je bénéficie donc de l’année blanche, comme ceux qui étaient en cours de réalisation de leurs 507 heures. Mais une partie, notamment des techniciens et autres intermittents qui travaillent sur les festivals estivaux, n’ont pas pu faire leurs heures pour ouvrir ou rouvrir leurs droits et se trouvent dans l’angle mort de la solidarité nationale. Ils rejoignent les 3,7 millions de travailleurs précaires (2), les intermittents du travail […] Et puis à côté des gens du spectacle, il y a aussi les salariés de l’hôtellerie-restauration, de la sécurité, des saisonniers, des vacataires. A Avignon, on a mené un combat pour défendre les guides-conférenciers de l’office du tourisme, dont le contrat avait simplement été rompu au moment du confinement et qui se retrouvaient de fait sans revenu. Finalement, sous la menace d’une action aux prudhommes ils ont obtenu le chômage partiel. »
1. « Selon le Syndicat national des entrepreneurs de spectacles, seulement 7 % des mairies ont indemnisé les quelques 3 200 représentations annulées », in « L’incertitude persistante pour le spectacle vivant », Lemonde.fr, 06/08.
2. Chiffre de l’Observatoire des inégalités (juin 2019). www.inégalités.fr.
Propos recueillis par Clément Chassot et Jean-François Poupelin