Moi, Didier Raoult, deus ex infectia
– Non non, ne vous levez pas… Vous n’avez pas tous des symptômes, mais vaut quand même mieux vous ménager… Alors plusieurs d’entre vous me connaissent, Renaud (1) depuis la fac de médecine, Christian (2) depuis le lycée… Pour les autres, madame la présidente du département et de l’agglomération (3), monsieur le député (4), monsieur le maire (5), je m’présente, j’suis le professeur Didier Raoult, je suis directeur de cet Institut hospitalier universitaire Méditerranée Infection où vous êtes en ce moment…
Vous êtes regroupés ici parce que vous faites partie de ce qu’on appelle un cluster, en bon français on dirait un foyer, un foyer du coronavirus Covid-19… Alors ça semble évident qu’avec une activité comme la vôtre, où vous rencontrez des tonnes de gens, serrez des milliers de mains – je comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi on a maintenu le premier tour des municipales, enfin c’t’un autre sujet – c’est évident que vous êtes une population à risques… La chance que vous avez c’est que vous êtes ici à Marseille, et que je suis avec vous.
En matière de maladies infectieuses, c’est tout simple, je suis le premier expert, au niveau mondial. Mes confrères disent que j’ai « un h-index [classement des chercheurs en fonction de leurs publications, ndlr] colossal, à la hauteur de son immodestie (6) ». Alors oui, je reconnais, je peux parfois me la ramener. Quand je parle dans des vidéos autopromo de l’IHU avec en fond l’ouverture d’Ainsi parlait Zarathoustra. Ou quand déjà, à l’époque, j’expliquais dans Le Provençal que « les médecins que je fréquentais ici voulaient tous être le meilleur de Marseille. Moi, je voulais être champion du monde, à Marseille (7) ». Ou quand je me quasi tamponne d’un rapport établissant des faits de harcèlement moral et sexuel au sein de mes équipes (8). Mais si vous me connaissez, vous savez que j’ai de quoi être sûr de moi et immodeste. Rien ne me destinait à faire cette carrière.
« Parce que cela les fait chier ! »
Mon père était médecin militaire, mais « j’étais un mauvais élève, agité, aux bulletins scolaires effarants (9). » J’ai plaqué les études pour m’embarquer deux ans sur des paquebots et des navires marchands. J’ai passé un bac littéraire, en candidat libre. Mais pour la suite mon père n’acceptait de me financer mes études que si je faisais médecine. Et me voilà, quarante-cinq ans plus tard. J’ai découvert plusieurs bactéries inconnues, des virus géants, on a même donné mon nom à deux bactéries.
– Professeur…
– Je sais ce que vous vous dites !! Avec mes cheveux longs filasses, ma bague tête de mort en argent, mon bouc et mes lunettes aviator, je ressemble à un croisement entre Gandalf et le Big Lebowsky… Mais vous savez pourquoi je suis comme ça ?? « Parce que ça les fait chier ! (9)» Je suis un anticonformiste, « un original extrêmement performant en matière de recherche. Très provocateur, mais c’est une très grosse pointure (6)». Vous me direz : « Comment croire qu’un scientifique puisse participer réellement à des recherches débouchant sur quasi une publication par semaine (10) ? » Surtout quand plusieurs de ces publications paraissent dans des revues gérées par des collègues de mon institut ! Eh, oh, la course à la publication, les copinages, les chefs de service qui signent tous les papiers que pondent leurs équipes, tout ça c’est quand même pas moi qui l’ai inventé !!
T’manière, moi, tant que ce ne sont pas des spécialistes de mon domaine qui me critiquent, je m’en fous… J’appliquais déjà le principe quand je faisais des chroniques politiques dans la presse : je suis pas du tout climatologue, ça m’a pas empêché de remettre en cause la réalité du réchauffement climatique (11) ! Parce que ça leur fait mal de l’entendre, mais j’ai souvent raison avant les autres ! Il y a quinze ans, le gouvernement me commande un rapport sur le bioterrorisme. Et qu’est-ce que j’y écris ? « La lutte contre les maladies infectieuses nécessite information et mobilisation de la société toute entière, et donc éducation (12). » Ça veut dire information sur les modes de contamination, apprentissage des façons de se laver les mains, lutte contre l’abus d’antibiotiques qui crée des maladies résistantes, capacités de dépistage et de traitement réparties sur tout le territoire. Tout ce qui nous a manqué face au Covid-19 quoi !
– Justement Didier…
– Non mais Christian, je suis tout à fait d’accord avec toi !! Pourquoi n’a-t-on pas testé massivement en France, comme le font les Allemands, pour mieux isoler et traiter les malades sans avoir à passer par un confinement généralisé ?? Comme le réclame l’OMS (13) depuis le début ?? Ça me dépasse… « Le Covid-19, il sera jugulé de la même façon que le Sida : dépistage, traitement (14). » Et la réponse, ça nous vexe peut-être nous autres européens, mais elle vient de Chine ! Sur 100 cas, ils ont prouvé l’efficacité d’un combiné entre antibiotique et antipalud, des médicaments connus et pas chers !
– Mais est-ce que…
– Bien sûr !! Nous notre test à nous à l’IHU n’a porté que sur 26 patients, sans groupe témoin sous placebo, et on a sorti 6 patients de l’étude sans les considérer comme des échecs. Ça nous a pas empêchés de systématiser ce traitement pour nos patients. Mais si on attend les résultats du programme Discovery (15), quand ce sera publié dans le Lancet (16) la météo aura eu raison du Covid-19 (17) ! Alors ici à l’IHU, on dérange !! Sinon pourquoi est-ce que j’aurais reçu des menaces exigeant que je me rétracte ? J’ai porté plainte et, c’est bizarre, l’enquête se dirige vers un confrère très lié aux laboratoires pharmaceutiques (18). Parce qu’il y a de l’argent en jeu ! Imaginez, vous trouvez un vaccin ou un traitement, ça se vend cher !!
– Didier « est un génie. Il est porteur de cette idée de la grandeur de la France, de la liberté d’expression, et de la liberté de penser. Sa vision est très gaulliste (19) ! »…
– Merci Renaud… Parce qu’il faut que ce soit bien clair : ce qui se joue ici, ce n’est pas un OM-PSG : des médecins parisiens, après avoir été réticents, ont décidé d’appliquer mon protocole, comme à la Pitié-Salpêtrière (20). Même le Haut conseil de la Santé publique a fini par valider à demi-mots l’usage de la chloroquine (21). Il faut savoir de quoi on parle ! Alors je vais vous dire : les coronavirus, quand on les voit au microscope, on dirait qu’ils ont une couronne, c’est de là que vient leur nom. Eh ben je vous fiche mon billet que d’ici deux mois c’est à moi et aux Chinois qu’on va en tresser une !!