Harcèle(ment) ?
À l’entrée de la mairie marseillaise de secteur du 2/3, une affiche : « Le service logement est fermé pour cause d’agression ». Chez Lisette Narducci, il y a de la tension dans l’air. Une dizaine d’agents vient de porter plainte pour « harcèlement », ciblant la maire de secteur et sa directrice de cabinet, Michèle Azoulay. Celle-ci est absente, en « arrêt » suite à un « accident du travail ». Quoique récemment « cdisée », elle a été suspendue début novembre et privée de toute rémunération par la ville de Marseille, « considérant qu’il est reproché à l’intéressée des faits qui présentent un caractère d’extrême gravité et de vraisemblance suffisant ».
La CFE-CGC/CFTC, elle, après avoir dénoncé lors du « comité technique » de septembre un « grave malaise au sein de la mairie », s’est fendue d’un tract intitulé « Stop aux traitements indignes des agents et des cadres ». Et, comme l’Unsa, d’une lettre au directeur général des services de la ville, Jean-Claude Gondard.
Une affaire qu’il gère en direct, avec enquête de « l’inspection générale des services » et de la « commission contre le harcèlement ». Il faut dire que la plainte émane d’agents en charge des « vacataires », de « l’animation » mais aussi des « marchés publics » ou de « l’urbanisme ». Dans une mairie qui bruisse de rumeurs, pas de quoi apaiser les tensions entre la majorité et une élue guérino-gaudino-macroniste, même si Narducci dit n’avoir jamais eu dans sa vie que « deux cartes », celle du PS puis du PRG.
Pour celle qui, en préambule, reprend point par point un article du Ravi (« La farce du 13 », n°164, mai 2018), il s’agit, dans la perspective des municipales, d’une « cabale politique. Si harceler, cela veut dire mettre les gens au travail, faire respecter les horaires… » Et de cibler, entre autres, un agent responsable de l’animation qui cumulerait « deux emplois », une autre du service logement contre laquelle la mairie a porté plainte, l’agent en question ayant elle aussi décidé de saisir la justice.
« On a voulu mettre de l’ordre, soupire l’élue. Mais très vite, on a vu des agents se mettre en arrêt, une pétition, des tracts… Quand j’ai appris l’ouverture d’une enquête, j’y ai cru. Avant de me rendre compte qu’elle était complètement à charge ! »
Si, au vu des documents consultés par le Ravi, les échanges entre la « dir’cab » et les agents peuvent être rugueux, à la CGT – qui certifie à Gondard qu’« en majorité, les agents de la mairie soutiennent la directrice de cabinet » – on tempère : « Elle vient du privé et a une voix qui porte. Mais c’est un dossier monté de toutes pièces. » Et de pointer à mots couverts la « proximité » entre certains agents ayant porté plainte et la majorité.
Au-delà des municipales, serait-ce un contre-feu ? Car, à la ville de Marseille, le parquet national financier a remplacé la chambre régionale des comptes qui, en 2013, avait étrillé la gestion « Gaudin ». Dernièrement, la CRC, dans sa « synthèse de suivi », a rappelé que les « ressources humaines » arrivent en tête de ses « recommandations ». D’ailleurs, d’autres plaintes viennent d’être déposées, concernant, elles, la mairie centrale : mise au « placard », « harcèlement », « vacataires » cumulant des dizaines de contrats sans être titularisés… Comme le rappelle Narducci : « N’oublions pas que c’est la mairie centrale qui est responsable du personnel municipal ! »
En attendant, dans le 2/3, Michèle Azoulay, la directrice de cabinet « suspendue » qui se dit « indispensable au fonctionnement de la mairie » et « difficilement remplaçable » (elle a même joué les « DGS par intérim ») devait être fixée sur son sort tout début décembre, avec l’examen de son recours en « référé ». Son conseil insiste sur sa « situation financière » – « extrêmement délicate » – qui pourrait « engendrer des conséquences graves et irréversibles ».
Fin octobre, la cour administrative d’appel a confirmé le rejet de la requête de la société Méditerranée Formation Conseil Communication qui doit, entre autres, 1,5 millions d’euros au fisc du fait de « prestations de formations professionnelles continues non réalisées ». Une société dont la gérante et liquidatrice s’appelle Michèle Azoulay. Qui, par mail, nous assure s’être pourvue en cassation auprès du « Conseil d’Etat ». Mais aussi que son « salaire est ponctionné aux deux tiers par les impôts ». Dur, dur, à Marseille, d’être fonctionnaire !