Entre deux eaux
Quand la réorganisation désorganise
Pour un urgentiste, Benoît Payan, prend le temps d’opérer le corps municipal ! Lancée après la victoire du Printemps marseillais, la réorganisation de l’administration ne devrait pas aboutir avant juin 2022. Soit une intervention de deux ans ! « Ils ont tout explosé, pour plus de cohésion autour de quelques grands thèmes, explique Yannis Darieux, le secrétaire général de la FSU de la ville. Là, ils remplissent, en remettant les missions d’expertise et d’appui dans les mêmes directions. C’est cohérent. » Mais de prévenir : « Je leur ai rappelé qu’il faut redire aux agents que c’est toujours en évolution. » Car si les sept directrices et directeurs généraux adjoints ont tous été recrutés depuis cet été, c’est toujours le flou artistique en ce qui concerne les têtes de la quarantaine de directions prévues comme sur leurs périmètres.
Au-delà du psychodrame du maintien d’une vingtaine de directeurs, réputés proches de FO, révélé par le Ravi, les feuilles de route sont attendues dans six mois, besoins humains inclus. « Le maire aurait dû aussi arriver avec un projet pour l’administration. On a changé de maire au bout de six mois et de directeur général des services au bout de dix, la réorganisation va donc intervenir à un tiers du mandat, alors qu’on n’a pas à perdre de temps, insiste Pascale Longhi, la secrétaire générale de CFE-CGC. Aujourd’hui, on est sur deux organisations. »
Même son de cloche du côté de la CGT, qui s’inquiète de « l’incertitude créée pour les agents ». Mais aussi du report des recrutements annoncés, comme dans les écoles ou les bibliothèques. « Un des problèmes de la ville, c’est qu’il n’y a aucune gestion des compétences et des emplois. Si rien n’est fait dans les bibliothèques, dans trois ans il manquera 180 agents, soixante de plus qu’aujourd’hui », constate Chantal Langlais, la secrétaire générale de la CGT des cadres municipaux.
A la décharge de Benoît Payan et de sa majorité, l’héritage RH est plus que complexe à régler. « En déménageant la DRH en début d’année, ils ont découvert les cartons d’agents dont ils n’avaient plus de nouvelles, pour certains depuis 2007. Ça fait peur ! », raconte la syndicaliste. Là aussi, l’intervention en urgence risque de ne pas suffire.
Morne Plaine ?
Sur la Plaine, c’est le retour du marché ! Las, pas celui des forains chassés par les travaux de « requalification » mais celui des « créateurs », qui cette année, devrait se tenir non seulement sur le cours Julien mais aussi sur la place Jean-Jaurès. Pas forcément de quoi ravir les habitués, dont les vide-greniers sont mis sur le même plan par les riverains de la Plaine que les nuisances sonores, les apéros tardifs, les scooters et autres bagarres. Encore la fameuse « pluralité des usages », que cette « requalification » devait pacifier. En vain. La seule « montée en gamme » est immobilière et tarifaire (notamment en terrasse) tandis que les sols ont déjà la patine d’une aire d’autoroute, et les magnolias l’allure de natures mortes. Il n’y a guère que les jeux d’enfants qui semblent faire consensus.
Avant, ça se plaignait des voitures, aujourd’hui des skates. Mais aussi du bruit des valises à roulettes. Et si cet été a surgi, avec les médiateurs, un chargé de projet à la Plaine, d’aucuns se demandent ce qu’il est devenu depuis l’installation de WC de chantier ! En attendant que les vrais marchent… Pendant ce temps, la place est vidéo-surveillée de près. Et, pour le marché, c’est un énième bras de fer entre ville et métropole, notamment pour l’installation de plots, qui renvoie le retour des forains à l’année prochaine, sans calendrier précis. En attendant, le Printemps salue les renforts de police. Comme animation, on a connu mieux. Il y a quelques années, une affiche promettait à Gérard Chenoz, l’ancien patron de la Soléam, que la Plaine serait son « Vietnam ». Ça risquerait pas plutôt d’être celui du Printemps ?
Martine, Sophie et Benoît sont dans un bateau…
Magie du billard à trois bandes : en obtenant l’aide financière de l’État, Benoît Payan a aussi ouvert un boulevard au président de la République pour qu’il mette la pression en vue d’une réforme de la métropole, inefficace et endettée. Un premier pas a été obtenu avec une proposition de la présidente LR Martine Vassal de rendre aux communes les compétences de proximité, comme les déchets et la voirie. Mais les compétences stratégiques comme l’urbanisme ou les transports resteraient à la métropole. Et malgré les injonctions de l’État, la droite s’entête à vouloir développer les transports d’abord dans les quartiers sud ou est plutôt qu’au nord. La situation pourrait pourtant évoluer. Réélue de justesse avec l’appui des élus aixois, Martine Vassal vient de perdre le soutien de la nouvelle maire UDI d’Aix, Sophie Joissains, qui lui reproche d’avoir cédé à l’État sur la réforme des aides aux communes, qui grèvent les finances de la métropole. Le vote du prochain budget, au printemps, s’annonce rock’n’roll.
Le démocratie, c’est compliqué
D’accord, la droite n’avait strictement rien fait pour se mettre en conformité avec la loi, qui prévoit des conseils de quartier dans les grandes villes. Le Printemps marseillais doit créer de toutes pièces un service ad hoc, ce qui prend du temps. Mais les instances de concertation d’usagers, prévues elles aussi dans son programme, sont toujours à la peine.