« Éviter que tout s’écroule… »
« Pôle emploi, je connais bien, cela fait des années que je suis inscrit ! Et moi qui au fond n’aime pas le travail, comme mon idée, c’est d’aller me mettre au vert, cela semblait assez cohérent d’accompagner des demandeurs d’emploi. Et d’aller voir de l’autre côté du guichet. Or, avec le Covid, Pôle emploi renforce ses équipes. Des CDD : 6, 9 ou 18 mois. Je n’ai pas eu – vu l’urgence – de formation à proprement parler. Mais, étant donné la complexité des situations et la multiplicité des dispositifs, je n’ai pas non plus traité seul un dossier de bout en bout.
Pour te former, tu observes tes collègues et tu vas d’un poste à un autre : l’accueil, l’indemnisation… Et c’est peu dire que tous mes codes, toutes mes représentations ont changé. Bon, c’est peut-être un peu comme quand tu rencontres quelqu’un ! Mais, on est une des plus grosses agences dans un des quartiers les plus pauvres. Ce qui est évident, c’est qu’il y a une vraie dimension sociale. Souvent, quand tu es chômeur, tu te dis que Pôle emploi, ça sert à rien. Au contraire ! Qui plus est avec le Covid. On est un des derniers services publics et la plupart de mes collègues ont un vrai penchant social.
Il faut dire qu’en face, on a une population qui a vraiment besoin d’aide. Des personnes qui ne parlent pas bien français, avec des CV où la seule chose qui est écrit c’est « je cherche du travail ». Là, on touche la vie des gens. Et quand tu réussis à débloquer les indemnités ou à trouver une formation payée 400-500 euros… Des collègues se démènent pour trouver des solutions, un cours d’alphabétisation rémunéré pour cette mère de famille, pas trop loin de chez elle et avec des horaires qui lui permettent d’aller chercher ses enfants…
Ce qui me surprend aussi, alors que dans les autres boulots où j’ai été, il fallait toujours en référer au supérieur, c’est qu’il y a une vraie horizontalité. Entre nous. Mais aussi entre les conseillers et les gens. J’ai vu une collègue se mettre à valser avec un demandeur d’emploi au milieu de l’agence, une copine avec son accent africain en sermonner un autre en lui disant : « Bon, maintenant, Monsieur, vous arrêtez ! »
Donc on n’est clairement pas dans l’abattage. De toute manière, on est obligé de s’occuper des gens. Et puis le Covid semble avoir ralenti les réformes les plus ultra-libérales. Bon, il y a toujours la volonté de contrôler les pauvres. Comme s’il y avait un quota : il ne faut pas moins de 2 millions de chômeurs mais pas plus de 4 millions. En attendant, on est là pour éviter que tout s’écroule. »