Docteur Marandat et mister aïe !
Souvenez-vous. Pour lui, « le fascisme, c’est la fête ! » C’est ainsi que Bernard Marandat, frontiste historique marseillais, rendait hommage à l’un de ses colistiers décédé lors des dernières municipales (cf notre exclu web) Marandat est aussi, comme le met en avant la propagande électorale du RN, « chirurgien » et même « médaillé d’or des hôpitaux ». Élu d’opposition à Marseille et conseiller métropolitain, ce chirurgien orthopédique a pignon sur rue, officiant du côté du Prado. L’élu d’extrême droite est même « expert près les tribunaux », dixit son profil LinkedIn.
C’est avec cette casquette que Nathalie Pawlowski-Groppi, infirmière à l’hôpital de Martigues, a croisé sa route pour une consultation le 3 mars : « Je ne le connaissais pas, c’est mon établissement qui m’a envoyée auprès de lui dans le cadre d’un arrêt de travail », nous explique-t-elle. En effet, victime d’un accident de travail le 16 août 2021 (avec « fracture du cinquième métacarpe » ainsi que du « quatrième »), elle était en arrêt maladie jusqu’au 8 octobre, a repris le travail dans le cadre d’un « mi-temps thérapeutique » mais n’a tenu qu’un mois : « J’ai été forcée de m’arrêter à nouveau, la douleur étant trop intense. » D’où un arrêt prolongé jusqu’au 8 avril. Et cette consultation le 3 mars chez le docteur Marandat « dans le cadre d’une expertise médicale ».
« Jamais on ne m’avait traitée comme çà »
Or, déplore l’infirmière, « jamais on ne m’avait traitée comme ça ! ». Suite à la consultation, elle s’est fendue d’un courrier non seulement aux ressources humaines de son établissement, indiquant qu’il était « hors de question » pour elle de revoir ce praticien, mais aussi au « Conseil de l’ordre » ainsi qu’à l’Agence régionale de santé (ARS). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa lettre est édifiante.
D’abord, note-t-elle, « ce praticien m’a reçue sans masque ». Et, ajoute-t-elle, « il n’a pas jugé utile de changer la protection papier de la table d’examen » et ne se serait pas « lavé les mains ». Au-delà, indique l’infirmière, ce médecin expert ne semblait pas avoir « regardé le dossier » : « Il a ouvert devant moi l’enveloppe le contenant. »
Comme elle l’écrit et nous l’explique, « il m’a demandé de raconter ce qui s’était passé mais il ne cessait de m’interrompre ». Plus grave, pour l’infirmière, Marandat aurait mis en « doute la compétence du radiologue » à propos de la deuxième fracture « avant de regarder le scanner ». Idem à l’égard du « médecin traitant » de Nathalie Pawlowski. Avec ce commentaire : « Ah oui, une femme, bien sûr, ça ne m’étonne pas ! », rapporte-t-elle. Ajoutant : « Quand il m’a demandé mon poids et ma taille, il m’a dit qu’il faudrait “manger moins” et conseillé de “faire du sport”… Avec un pied cassé ! »
Pire, aux dires de l’infirmière, le chirurgien orthopédiste l’aurait « poussée pour me faire avancer lors d’un essai de marche ». Et lui aurait dit, en guise de conclusion de la consultation, comme elle l’écrit : « Les deux parties de l’os sont complètement dissociées. Ça ne se remettra jamais ensemble et, pour la chirurgie, c’est trop tard. » Ajoutant : « Si vous attendez de ne plus avoir mal pour retravailler, ce n’est pas la peine ! Autant attendre de faire 50 kg ! » D’où ce conseil de Marandat : « Achetez-vous une bonne paire de baskets. » Et, « si ça ne va pas, vous pouvez toujours vous mettre en rechute d’accident du travail ».
« C’est sûrement pour ce connard de Macron ! »
Cerise sur le gâteau ? Quand la patiente demande au chirurgien pourquoi il y a autant de policiers ce jour-là dans le quartier, le médecin d’extrême droite aurait rétorqué : « C’est sûrement pour le meeting prévu de ce connard de Macron ! »
La professionnelle de santé est encore sous le choc : « Je me suis sentie comme une merde ! Et comme c’est un expert, je ne voulais pas courir le risque de le voir rendre une décision qui aurait pu impacter négativement ma vie personnelle ou professionnelle. » De fait, ce n’est qu’après la consultation qu’elle a découvert que Bernard Marandat est une figure de longue date de l’extrême droite marseillaise. Et qu’elle s’est rendue compte que, sur le web, les quelques avis à propos de ce praticien sont peu amènes : « Très prétentieux », « imbu de sa personne », « absolument pas à l’écoute », « à éviter »…
D’où les démarches de l’infirmière, qui précise : « Je ne remets pas en cause ses compétences professionnelles mais ses compétences relationnelles et humaines. Ce qui est tout aussi important lors d’une expertise ou d’une consultation. » L’ARS confirme qu’il y a bien un service en charge des « réclamations » et que l’affaire est en cours de traitement. Contacté, le docteur Marandat n’a guère tardé pour nous répondre : « En tant que médecin et expert, je suis couvert par le secret médical et ce n’est certainement pas à un journaliste que je vais raconter une consultation ! » Ajoutant toutefois : « Je ne sais pas quels sont ses griefs mais je suis d’autant plus étonné que l’expertise que j’ai rendue va plutôt dans le sens de ce qu’elle voulait. Je me suis permis même de lui donner des conseils afin qu’elle s’occupe d’elle. Après, moi, je fais mon métier, je suis médecin, pas assistante sociale… » Et de conclure : « Maintenant, si l’on veut mêler la santé et la politique… En tout cas, si le but est d’alimenter une polémique, ne comptez pas sur moi ! »