À Eyguières, l’art de l’entraide
Début avril, le maire d’Eyguières Henri Pons dit dans La Provence sa satisfaction d’avoir « réussi à travailler tous ensemble ». Non, il n’était pas encore investi par LR pour les départementales ! Mais, patron de la régie des transports du Département (RDT 13) et « monsieur transport » de la Métropole, il assistait à l’installation d’une passerelle sur le canal de Provence par NGE.
Une entreprise qui doit piloter la refonte de l’aérodrome à Eyguières, un projet qui agite la commune (Cf le Ravi n°190). L’opposante Audrey Touron s’est fendue d’un recours en référé. Si le tribunal administratif l’a rejeté – c’est, dit-il, le contrat et non la délibération qu’il faut contester – elle ne va « pas en rester là » face à un projet dans le viseur du parc régional et de la ligue de défense des Alpilles. Ambiance à couteaux tirés : le domicile de l’opposante sera vandalisée, comme les véhicules de deux autres élus.
Affaires de famille
Dernièrement, ça a aussi pas mal ferraillé sur le budget et un recours se prépare contre la cession de l’ancienne gendarmerie. L’opposition fait feu de tout bois. Comme en décembre face à une subvention de 61 000 euros à la crèche Les Coccinelles « afin de pallier les pertes financières engendrées par la crise sanitaire ».
Gérée depuis 2019 par l’association Entraide, elle fait figure d’exception dans un groupe qui s’occupe essentiellement de seniors. À sa tête ? Xavier Ansaldi. Frère du directeur de cabinet du patron de la région Renaud Muselier, cet ancien de Nivea ou Schweppes qui a fait aussi dans le solaire, avant de gérer huit Ephad et sept résidences autonomie (« tous habilités à l’aide sociale du département », précise son profil Linkedin), a officié en tant que « collaborateur » à la communauté urbaine de Marseille. Mais aussi comme « conseiller technique de la présidente du Conseil départemental » en charge des « routes » et de l’« aménagement du territoire ». À l’époque, Pons était déjà à la RDT13 et chargé du « plan mobilité ». Mais Ansaldi assure « ne pas avoir travaillé » avec lui. Ni même le connaître !
Pourtant, au service « animation » d’Eyguières, on trouve une certaine Marie Ansaldi : « Mon ex-femme. Je ne sais dans quelles conditions elle a été embauchée. » Le directeur d’Entraide a aussi pour adjoint Daniel Dubois. Ancien directeur général des services à Gréoux-les-Bains – une mairie agitée depuis des années par une affaire de « harcèlement » – celui-ci ne semble pas sans lien avec Eyguières, le responsable du service des sports et des associations s’appelant Gwenaël Dubois. « Je ne connais pas la vie personnelle de mon adjoint, répond Ansaldi. Je ne sais même pas s’il a des enfants. »
Nonagénaire en souffrance
Le monde est néanmoins petit. C’est dans une maison de retraite d’Entraide qu’était hébergée jusqu’à peu la belle-mère de l’ancien maire d’Eyguières, Joël Sylvestre. Or, pour cette dame de 90 ans, avec la pandémie et le confinement, le séjour au Clos St-Martin à Pélissanne n’a pas été de tout repos : changement de chambre après qu’elle ait attrapé le Covid, difficultés pour sa famille à lui rendre visite…
Pourtant, sur son site, le groupe promet : « Notre mission est de prendre soin des personnes âgées et de leur offrir un accueil de qualité, un cadre de vie confortable et sécurisant, un accompagnement tenant compte de leurs attentes et besoins et des activités permettant de maintenir une vie sociale. » Mais, au vu des documents consultés par le Ravi, la situation s’est rapidement envenimée. Au point que la nonagénaire a dû changer d’établissement.
Un cas isolé ? À voir. Car, en décembre, une petite vingtaine de familles ont signé une pétition demandant de « réorganiser les visites sur rendez-vous » et de « déconfiner les résidents » : « Nos parents sont prisonniers de votre gestion de la crise, ils sont en grande souffrance et nous aussi. » Un dossier suivi par l’Agence régionale de la santé, le Département, l’inspection du travail ayant elle aussi été alertée. De son côté, la famille de la nonagénaire vient de saisir le Défenseur des droits, Joël Sylvestre se demandant si sa casquette d’ancien maire – dont les relations avec celui qui lui a succédé en 2008 sont plutôt fraîches – n’a pas joué dans le traitement réservé à sa belle-mère.
Ce que nie Ansaldi : « Je ne le connais pas et ne l’ai rencontré qu’une fois ! Maire, ex-maire, peu importe, ce qui compte, c’est le bien-être des résidents, des familles, des salariés. » Reste qu’entre la famille de la nonagénaire et le personnel, cela a été jusqu’au dépôt de plainte ! « J’aurais pu suspendre toute visite. Mais, à cette solution, j’ai préféré m’en charger en m’occupant des visites, se défend Ansaldi. Moi-même, cela fait plus d’un an que je n’ai pas vu mes parents. C’est une période difficile pour tout le monde. » D’ailleurs, les magistrats de la Chambre régionale participent à l’enquête de la Cour des comptes sur les Ephad, le Défenseur des droits venant de rendre son rapport sur la situation dans les maisons de retraite pendant la crise sanitaire.
Sur cette thématique, Ansaldi loue le bilan de son ex-patronne, Martine Vassal : « Vous allez dire que je suis de parti pris. Mais on n’est absolument pas un sous-traitant du Département. » C’est toutefois dans le cadre d’un appel d’offre du CD 13 qu’il vient de déposer un permis de construire pour une « résidence autonomie d’hébergement non médicalisée pour personnes âgées » à… Eyguières ! L’occasion peut-être de faire connaissance avec Henri Pons. Qui, pour faciliter la vaccination des anciens, a mis en place un minibus. À Eyguières, on a le sens de l’entraide !
N. B. Le maire d’Eyguières n’a pas donné suite à notre demande d’interview.