Emmanuel Macron pas très psychologue…
Emmanuel Macron lance en 2022 un forfait de huit séances de trente minutes de suivi psychologique remboursé. Or, depuis trois ans est expérimenté un dispositif de remboursement de 21 séances. Une expérimentation en cours et toujours pas évaluée mais dont on peut témoigner.
À la base, un chantage : accepter ce dispositif ou la précarité de nos cabinets et de ceux qu’on ne peut recevoir !
Pour une prise en charge en institution, il faut jusqu’à dix-huit mois ! C’est presque de la non-assistance à personne en danger. Si Macron a promis quelques « équivalents temps plein » dans des institutions engorgées, ça ne résout en rien le délabrement institutionnel. Pour compenser ? C’est nous, les psychologues en libéral, déjà bien ubérisés : pour viabiliser nos cabinets, faute de poste en institution, on assure quelques heures dans des associations qui, privées de contrat aidé, doivent nous sous-payer comme « prestataires ». Pourtant, les besoins sont là. Mais, actuellement, pour bénéficier de séances remboursées, le parcours des patients, c’est la « maison qui rend fou » des Douze travaux d’Astérix. Douze étapes qui sont autant d’obstacles potentiellement traumatisants avec leurs biais et chausse-trappes.
1. Faire la demande à son médecin
Voilà notre profession, qui relève des sciences humaines et sociales, sous l’emprise de la médecine. Or, sur cinquante médecins côtoyés, faute de sensibilisation à notre métier, seule une dizaine collabore intelligemment via ce dispositif. Pourtant, les psychologues ne sont pas réservés à la maladie mentale : tout le monde peut en avoir besoin. Alors faire croire que c’est pour les malades est un frein au soin.
2. Se faire « tester »
Une prise en charge « psy » peut certes, dixit les médecins, réduire le recours aux médicaments. De quoi ravir les médecins. Mais, pour y avoir droit, il faut passer deux tests. On comprend les médecins qui renâclent à les faire passer : lourdeurs administratives et violence des questions pour juger de l’état de dépression ou d’anxiété : « Sur une échelle de 1 à 5, à quel point pensez-vous qu’il vaudrait mieux mourir ou envisager de vous faire du mal ? »
3-4. Discriminations et 1re ordonnance
On est formé (en 5 ans) à accueillir toutes les souffrances psychiques. Mais là, il faut qu’au regard du médecin, le patient ne soit ni trop ni pas assez en souffrance. Qu’il n’ait pas pris de traitement, ni vu de psychiatre, qu’il ne soit pas en arrêt…
5-6. Suite à « l’entretien d’évaluation », 2e ordonnance
Pour nous, ce premier entretien est une séance d’une rencontre. Mais pour le gouvernement, c’est une évaluation. Alors, pour nous, à l’issue, pas question de remplir à l’adresse du médecin le formulaire de la CPAM, qui cherche à évaluer les symptômes du patient ou leurs impacts sur sa productivité au travail ! Un questionnaire qui de surcroît n’est pas anonyme !
7. Dix séances, 30 minutes, 22 euros.
Trente minutes pour les 10 premières séances, 45 les suivantes. Pourquoi ? La durée d’une séance, son coût, sa fréquence, cela devrait relever de l’état du patient et des méthodes adaptées. Là, alors qu’une heure à 60 euros devrait être un minimum, c’est un forfait promotionnel pour des séances à durée limitée et au rabais. Une attaque de notre liberté de choix et qui met mal à l’aise les patients qui voudraient payer pour ne pas se sentir en dette. Un paiement symbolique, adapté aux revenus de chacun, doit être possible.
8-9. Pour la 3e ordonnance, il faut l’aval du psychiatre
Pour que le suivi se poursuive, nouvelle démarche médicale. Avec, en prime, la rencontre avec un psychiatre. De gré ou de force…
10-11-12. Dix dernières séances : 45 minutes, 32 euros, tests et fin imposés
C’est le patient qui devrait être acteur dans la décision de mettre fin ou non au lien thérapeutique. Une fin imposée par la CPAM peut être vécue comme un véritable abandon. Et seules les personnes aisées pourront prendre en charge la continuité du suivi nécessaire…
La solution ? Aider les précaires !
Faisant fi de l’expérimentation ou de son évaluation, Macron nous propose huit séances de 30 minutes à 30 euros, renouvelables l’année d’après ! Une aberration ! Et du mépris. Car, pour faire vivre nos cabinets, il faudrait voir à la chaîne seize patients par jour ! Pourquoi ne pas commencer en réservant le remboursement aux personnes au smic ou en deçà ? Cela éviterait un accès aux soins à deux vitesses, la fin imposée après un nombre limité de séances, les ordonnances limitatives des médecins, les discriminations…
Être libre de se dire
Espérons que nos syndicats réussiront à se faire entendre. Une sensibilisation à l’accompagnement, que l’on propose, semble nécessaire. Pour nos gouvernants. Pour nos patients. Mais aussi pour les soignants. Notamment sur la protection des données. Nous sommes un des derniers espaces de liberté de parole, confidentiel, sans évaluation, en confiance… Défendre cet espace, c’est défendre le droit d’expression, comme celui d’être entendu. Ce dont notre société a cruellement besoin.