« On veut sauver les plus faibles »
Vous allez désormais porter la politique de santé de la nouvelle majorité, élue en juillet. Quelles sont les priorités du Printemps marseillais dans ce domaine, en particulier en direction des plus fragiles ?
Le Printemps marseillais subit l’urgence de la crise Covid. Au niveau santé, on s’est focalisé dessus et sur ses retombées sociales et économiques. Mais la commission santé a travaillé sur un projet de conseil communal en santé, qui a été voté lors du conseil municipal en novembre. Nous, et pour moi qui suis médecin de prévention, on a toujours dit qu’une politique de santé centrée sur les soins ne réduit en rien les inégalités sociales de santé. Elles s’expliquent plus par les conditions de vie – ressources, emploi, logement, éducation – et les inégalités territoriales. D’autant que les généralistes sont présents dans ces quartiers. Donc la priorité c’est de travailler sur les déterminants de la santé, les inégalités de ressources et de territoire.
Concrètement, quels sont les moyens d’action de la Ville ?
Présidente des hôpitaux de Marseille, je pense que je serai plus entendue au niveau national. J’ai déjà interpellé le Premier ministre et le ministre de la Santé sur l’aide aux hôpitaux marseillais, notamment sur la résorption de la dette hospitalière. Marseille doit être aidée autant que les CHU des autres métropoles. La ville va aussi continuer à s’impliquer dans le projet de restructuration de l’AP-HM (Assistance publique – hôpitaux de Marseille). Mais ce qu’on veut, c’est surtout renforcer les offres de soins de proximité dans les quartiers nord en se rapprochant des communautés professionnelles en santé, coordonnées autour de projets de santé, qui se sont beaucoup mobilisées pendant la crise. Nous souhaitons aussi favoriser les centres de santé, comme ceux de Kallisté, Malpassé ou l’Hôpital Nord, des centres de santé pluridisciplinaires et coopératifs, en co-construction avec les acteurs de terrain. Mais pas municipaux, car ce serait trop cher.
Est-ce que vous avez un calendrier sur la mise en place de ces actions ?
Je suis sur le temps long, mais là on est sur les urgences de la crise Covid. La priorité, c’est la mise en place du conseil communal en santé, qu’il va falloir structurer, organiser, pour qu’il puisse travailler. Je fais aussi le tour de tous les hôpitaux marseillais, des personnes, pour faire un état des lieux.
Certaines compétences n’étant pas municipales, comme la mobilité, comment se passent vos relations avec les autres institutions ?
Ente midi et deux, j’étais avec Nadia Hai, la ministre de la Ville, à l’invitation de Martine Vassal [présidente LR de la métropole et du département des Bouches-du-Rhône, ndlr]. On a travaillé sur les aides de la politique de la ville de l’État, qui vont être renouvelées avec un autre dispositif, puisque la ville en était sortie en 2017. Ensuite, à la métropole, je veux travailler sur un projet pour le bien être des Marseillaises et des Marseillais et non pas en rivalité politique comme on peut le rencontrer lors des campagnes électorales. On a des groupes de travail réguliers avec la métropole, avec notre élue à la politique de la ville et à la mobilité, pour travailler sur des projets structurants et les inégalités territoriales. On est conscient que ça passe par le développement de services publics, de transports en commun, etc. Au conseil départemental, ils ont voté pour le tramway Nord-Sud… Donc ça bouge car il y a une forte volonté de travailler ensemble. Martine Vassal, en tout cas c’est ce qu’elle dit, ne veut plus d’une métropole de petits projets.
Dans votre majorité, certains s’inquiètent pourtant que les discussions avec Martine Vassal soient au point mort…
On arrive à la fin des partenariats signés entre le département et l’ancienne majorité, donc on repart sur de nouvelles discussions. Mais je suis optimiste. Et puis l’État peut être un facilitateur. Exemple : finalement, la ville va cogérer le projet partenarial d’aménagement du centre ville de Marseille avec la métropole.
« La priorité c’est de travailler sur les déterminants de la santé, les inégalités de ressources et de territoire »
Mais est-ce que la santé dans les quartiers populaires est vraiment aujourd’hui un enjeu des politiques publiques locales ?
On fait un audit des finances de la Ville et on va avoir un débat sur les urgences. Et la réduction des inégalités territoriales, notamment celles en santé, fait partie de ces urgences. Mais quand je dis que la politique de santé, ce n’est pas obligatoirement la politique de soins, en travaillant sur le logement, l’emploi, la mobilité, sur les conditions de vie, on peut réduire aussi ces inégalités en santé.
Mais au-delà de la ville et de ses priorités, est-ce que les questions de santé dans les quartiers populaires de Marseille sont un sujet important pour les collectivités du territoire ?
La santé des jeunes concerne la région, la petite enfance le conseil départemental, avec la protection maternelle et infantile, la médecine scolaire… A travers ces compétences, ils sont très présents dans les quartiers. Sur la politique de la ville, qui est à la métropole, il y a les ateliers santé ville. Mais l’offre de soins est de compétence de l’État et de l’Agence régionale de la santé. C’est pourquoi, nous on veut plus travailler sur une politique de santé globale plutôt que sur une offre de soins.
On vous sent prudente vis-à-vis de vos partenaires institutionnels…
Je veux prendre le temps de travailler sur le temps long, voir ce que l’on peut faire ensemble. L’immédiateté tue la pensée.
Pour certains les quartiers populaires restent pourtant toujours le parent pauvre des politiques de santé. Pourquoi ?
Vous prêchez une convaincue. Pour moi, la santé devrait être au centre des politiques publiques. C’est pourquoi je veux porter cette action auprès des Marseillaises et des Marseillais. Et ça passe par l’alimentation, par la diminution de la pollution de l’air… On a donc un gros chantier à mettre en place.
Je vous repose la question : quels moyens avez-vous ou souhaitez-vous mettre?
On va avoir un débat d’orientation budgétaire. Dont je ne vais pas vous en offrir la primeur. On a pris cette ville abandonnée, dans un état de crise sanitaire sans précédent. Et ce qu’on veut faire en priorité, c’est éviter qu’un maximum de personnes subissent cette crise sanitaire. C’est-à-dire sauver les plus faibles, les gens à la rue, ceux qui subissent de plein fouet cette crise sanitaire.
Propos recueillis par Jean-François Poupelin