Le cul entre deux maires
Légionnaire, Philippe Ardhuin, le maire LR de Simiane, ne semble guère craindre le coronavirus. Même si le Premier ministre l’avait proscrit, il a maintenu son conseil municipal le 20 mars et installé son équipe. De quoi faire tousser l’opposition. Réélu au premier tour (51,61 %), il est droit dans ses bottes : « Le 19 mars, le ministre de l’Intérieur assure que tout sera fait pour que ces conseils se tiennent. Le soir, le Premier ministre dit l’inverse. Faute de texte, j’appelle le préfet. Sans succès. Le lendemain matin, personne, sauf la presse locale, n’évoque ce revirement. J’ai donc organisé, en faisant tout pour éviter les contaminations, ce conseil pour être en ordre de marche. » Il vient même de porter plainte contre le député UDE François-Michel Lambert parce que ce dernier a demandé sa destitution !
Le Covid, ça fait tousser, mal au crâne et monter la fièvre. Exactement ce qu’il se passe au sein des municipalités ! Car le confinement n’a pas permis d’installer les équipes municipales, le second tour ayant été, lui, repoussé. Avec le risque, si c’est après l’été, de devoir rejouer le premier tour là où les maires n’ont pas été d’emblée élus ! Si, pour l’heure, le calendrier n’est pas fixé, quand les équipes sont reconduites, cela semble se passer plutôt sans anicroche.
L’opposition dans l’attente
À Istres, où le maire « très divers » François Bernardini a été réélu (54,80 %) et gère les affaires courantes avec son ancienne équipe, son opposant (LR) Robin Prétot soupire : « Le cabinet me tient au courant et certaines de nos propositions ont été retenues. Mais, légalement, personne n’est investi. Je ne peux même pas me prévaloir de mon statut d’élu d’opposition. Et si, face à la crise, la transparence semble de mise, je ne sais si, sur d’autres dossiers, cela avance. »
La continuité n’empêche pas les recours. Comme celui d’Amaury Navarranne du RN à Toulon, qui a pourtant 15 000 voix de retard face à Hubert Falco (LR), réélu (61,39 %) : « Je ne remets pas en cause la victoire du maire mais la sincérité du scrutin. À peine 30 % de participation ! Les électeurs de M. Falco tiennent dans le stade Mayol. 18 000 personnes dans une ville de 171 000 habitants… »
Le frontiste plaide même pour l’annulation du scrutin ! Y compris de ses collègues réélus comme David Rachline à Fréjus ? « Ce n’est qu’un point de vue personnel. Et, dans nos villes, la participation a été plus importante. Quant à nos maires, ils ne craignent pas de revenir devant les électeurs. » En attendant, il a demandé la mise en place d’une « conférence locale afin d’être tenu informé. Car, pour l’heure, les infos, on les trouve dans la presse ou sur le site de la mairie. Mais on est habitué. Avec le règlement intérieur, le maire a fait en sorte que l’opposition ne puisse constituer de groupe. »
Battus mais en poste
Il est des situations encore plus étonnantes. Comme à Viens (84), moins de 700 habitants, où la maire sortante (DVG), Mireille Dumeste, doit rester en poste alors que la liste où elle était candidate a été sèchement battue (45 %) : « C’est insupportable. Je suis maire malgré moi ! J’ai pris le résultat du vote comme un “dégage !” mais la préfecture nous a dit de rester avec une seule chose à faire : faire respecter le confinement. Après, le souci, c’est que l’équipe en face n’a guère d’expérience. » Un des futurs élus, Jean-Pierre Bourrelly, assure pourtant se préparer « chaque matin à ce que sera notre travail à la mairie. On sent une amertume chez ceux qui ont été battus. Mais ils pèsent 45 %. On ne peut les laisser de côté ».
C’est le sentiment de Delphine Creps. Collaboratrice du député LR Julien Aubert, elle vient de l’emporter à Cabrières d’Avignon (61,54 %), commune de moins de 2 000 habitants : « J’ai demandé à voir le maire, Marie-Paule Ghiglione. Mais je n’ai de contact qu’avec le directeur des services. Il est vrai qu’elle était en poste depuis 25 ans, que j’ai travaillé à la mairie 14 ans et que la campagne a été dure. Mais ça pose un réel problème de démocratie. Les gens ont voté pour le changement. Et j’ai des personnes qui m’interpellent alors que je ne peux rien faire. Toutefois, sur des questions comme l’urbanisme, tout est gelé. J’ai d’ailleurs pu participer à une réunion à distance pour m’assurer que le projet contre lequel on a bataillé était bel et bien abandonné. Un complexe sportif de plus d’un million d’euros dans une ancienne carrière… »
Certains édiles profitent du flou. Comme à Éguilles où l’opposition de Robert Dagorne (LR, réélu avec 56,55 %) s’est vu refuser, au prétexte du confinement, la consultation des listes électorales. À Velaux, le maire sortant, Jean-Pierre Maggi, a tenté, par arrêté, de transférer – au cas où… – ses attributions à son adjoint à la culture, Yannick Guérin, arrivé en tête au premier tour (37,80 %). Sa 1ère adjointe, Laurence Monet, elle aussi candidate, a saisi la préfecture et obtenu la suspension de l’arrêté. Et la candidate de droite, Claire Adoult, de déplorer que l’opposition n’ait pas de place dans la « cellule de crise » où l’on trouve le poulain du maire.
On n’est jamais trop prudent. À Cabriès, note Anticor, le maire (DVD) Hervé Fabre-Aubrespy a signé, la veille du premier tour où il a été distancé par une écologiste, un permis en faveur du groupe Bouygues. D’autres le sont moins. Comme le frontiste marseillais Stéphane Ravier en ballotage favorable (33,49 %). S’il va jusqu’à réclamer le couvre-feu pour ceux qui ne respecteraient pas le confinement et s’enorgueillit d’avoir un centre de dépistage devant son ancienne mairie du « 13 /14 », il n’en est pas moins à l’origine d’un rassemblement pour l’inauguration d’une place « Arnaud Beltrame » le 23 mars dernier. Commentaires des internautes : « Les badauds ne sont pas espacés d’un mètre… Rentrez chez vous ! »