« Il n’y a pas plus démocrate que moi ! »
10:30
À croire que le Ravi est addict : encore un contrôle technique à Aix ! Enfin pas vraiment. Début mai, au prétexte de la crise du coronavirus et de l’urgence, la maire sortante (LR), Maryse Joissains, avait rêvé d’un conseil municipal à huis clos – ni public ni journaliste – et même en version ultra-réduite puisqu’elle avait décidé que, distanciation sociale oblige, la majorité aurait droit à une quinzaine de représentants et l’opposition à 5 élus. Levée de bouclier de ces derniers. Le conseil sera repoussé et se tient, ce lundi 19 mai, non pas à la mairie mais au gymnase du Val de l’Arc. Et nous voilà sur la chaîne YouTube de la ville, à regarder les secondes défiler en attendant le début de la séance.
10:48
La séance commence enfin. Pas de public dans la salle de sport et chaque élu est, a minima, à 1,40 m de ses pairs. La plupart arborent un masque. On ne sait jamais…
10:50
C’est de saison : Maryse Joissains, veste orange, écharpe blanchâtre, masque en bandoulière et croix ostentatoire, commence la séance par trois décès et deux minutes de silence.
10:56
Représentant du Partit Occitan, Hervé Guerrera, commence le conseil en force avec une question orale sur… la place du vélo à Aix ! Sans casque ni masque, il explique, presque lyrique, qu’avec le Covid, on entend à nouveau « le chant des oiseaux » et l’on a retrouvé « le bleu des cieux cézanniens ». Alors, l’ancien membre du groupe Démocratie pour Aix voudrait prolonger l’expérience pour lutter « contre les déplacements automobiles ». Et rêve d’un centre-ville sans voiture et à « 30 km/h ». Affable, Mme la maire se dit tout à fait « disposée à mettre en place le plan vélo et je t’y associerai ».
11:00
Charlotte de Busschère, une autre ex du groupe Démocratie pour Aix, profite de l’aspiration et suce la roue de son collègue pour évoquer, les possibilités pour les vélos de se garer, plaidant, elle, pour l’installation, ça et là, d’« ateliers de réparation pour vélo ». Grand seigneur, même si elle confesse ne pas savoir en faire, Maryse Joissains est prête à faire plus de place au biclou.
11:08
En roue libre, la maire change de braquet : « Je vais vous faire voter l’urgence. » Vétéran du groupe Démocratie pour Aix, Lucien-Alexandre Castronovo, qui s’était fendu lors du dernier conseil d’un discours d’adieu, rempile. Et fustige la tentative de la maire sortante de convoquer un conseil « à huis clos ». Et se demande « où est l’urgence ». Au passage, il cite en exemple le « meilleur ennemi » de Maryse Joissains, en l’occurrence le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin qui, lui, a ouvert sa « cellule de crise » à l’opposition.
11:12
Piquée au vif, Mme la maire ne s’en défausse pas moins : « Ceux que vous mettez en cause, c’est l’administration, qui, dans l’urgence, avait imaginé ce conseil municipal en version réduite. » Avant d’ajouter, bravache : « Je crains rien , j’ai peur de rien. » Et, ultime provocation, de lancer, face à la levée de bouclier de l’opposition : « Visiblement, avec le confinement, certains d’entre vous avaient besoin de parler. »
11:15
Dans le sillage d’Hervé Guerrera, la socialiste Gaëlle Lenfant (une autre ancienne du groupe Démocratie pour Aix) annonce qu’elle ne votera pas l’urgence, estimant que les « convocations auraient pu être envoyées un peu plus tôt ». Joissains s’agace : « Si vous n’avez pas eu les convocations, c’est parce que les rapports n’étaient pas prêts. Désolé mais, à la ville, je ne suis pas celle qui colle les timbres. Même si, à la Sécurité sociale, je m’occupais des enveloppes ! »
11:18
Jacques Agopian, socialiste lui aussi, mais beaucoup moins critique que ses ex-collègues, se félicite qu’on ait « renoncé à une séance confinée ». Maryse a eu le temps d’aiguiser ses lames. Elle égrène la liste de ceux qui ont prêté main forte pour la distribution de masques, de colis alimentaires. Et lance à ses opposants : « Je n’ai pas reçu un mot, un mail. Je ne suis pas là pour vous supplier ! »
11:24
Pendant que Gaëlle Lenfant demande la parole en levant le bras, Charlotte de Busschère s’insurge : « On n’a pas été informé de quoi que ce soit, en dehors de vos vidéos que je qualifierais de propagande. » Joissains grogne : « Pendant ce temps-là, vous, dans le confort de vos chambres à coucher… » L’opposante réplique : « Rester confiné, c’était de notre responsabilité ! » La maire grince : « Ce n’est pas de ma faute si vous avez un complexe de culpabilité… »
11:27
Gaëlle Lenfant relève le gant : « En nous écoutant, peut-être que les choses auraient pu être organisés autrement. C’est compliqué, sur Aix, de recevoir les masques… » Joissains s’étrangle : « Je rêve ! J’ai l’impression d’être dans la énième dimension ! Vous ne faites rien, vous restez confinés et maintenant, vous critiquez ! Moi aussi, y avait le confinement. Mais j’étais quand même à mon boulot ! Et je peux vous dire que l’administration ne m’a pas supplié de venir. Il vous appartenait de vous mettre à disposition ! »
11:30
Il est des absences que Mme la maire tolère davantage. Celle, par exemple, de son premier adjoint, celui aux finances, Gérard Bramoulé : « Il a été opéré. Il va bien mais je lui ai interdit de mettre le nez dehors. » L’examen des rapports peut enfin commencer. À Aix, la ville décide de maintenir les subventions aux associations, d’apporter un soutien aux entreprises, en abondant au fond de la Région, « Covid Résistance ». Ou d’exonérer cafetiers, restaurateurs et marchands de toute redevance d’occupation de l’espace public. Des mesures plutôt consensuelles. Il n’y a guère que Castronovo pour se demander à quoi tient la différence entre une dépense de 1,14 millions d’euros et des masques dont le coût avoisine les 950 000 euros. Réponse ? La contribution de la ville à des colis alimentaires…
11:55
Guerrera revient à la charge. Estimant que la convention avec la Région pose un « problème de droit, un problème juridique car la Région Sud n’existe pas, ce n’est qu’une marque imaginée par des communicants. La seule entité qui existe, c’est Provence-Alpes-Côte d’Azur ». Joissains rejoint son opposant en promettant la correction des conventions car il est hors de question d’abandonner le terme de « Provence ». Tout en assurant que, pour les régionales de 2021, son soutien à Renaud Muselier était assuré.
12:15
À l’approche de la pause méridienne, ça ronronne comme à Marseille quand l’alter ego de Joissains, Gaudin, a faim. Agopian, lui, se réveille. Pour s’assurer, comme lui a dit le directeur général des services Bernard Magnan, qu’il n’y aura pas – sujet sensible à Aix – de « recrutement » à la mairie. De Busschère, elle, s’inquiète de voir le personnel communal amputé de « 4 jours de congé » pour la « cause »…
12:28
Commence un interminable tunnel sur la gestion par Aix de la crise du Covid par une Marie-Pierre Sicard, adjointe au maire au patrimoine, qui, on ne sait jamais, remet son masque tandis que Mme le maire explique, sans rire, qu’elle s’est voulue discrète « pour ne pas politiser la chose ». Piquant de la part d’une élue qui a empêché son adversaire écolo, le docteur Dominique Sassoon, de monter un centre de dépistage ! Place aux votes, qui, à Aix, se font par « bloc ». Et déjà, entre Joissains et Guerrera, ça commence à se chicaner.
12:53
C’est parti ! Au nom de la continuité et dans l’attente du second tour des municipales, Maryse Joissains voudrait voir proroger les pouvoirs qui lui ont été accordés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Pas question pour Guerrera : « C’est un déni de démocratie. Le pouvoir ne peut être entre les mains d’une seule personne ! Votre choix a été de vous enfermer en ne vous entourant que de votre staff de campagne. » Joissains s’étrangle : « C’est quoi ces galimatias ? Il n’y a pas plus démocrate que moi ! Vous pouvez parler autant que vous le voulez. Au point que ma majorité me dit parfois “ça suffit”…» Lenfant renchérit : « Avec l’état d’urgence, l’ordonnance du 1er avril a donné les pleins pouvoirs aux exécutifs locaux et là, on pourrait revenir à la normale. Or, alors qu’on est en déconfinement, ce que vous nous proposez, c’est l’inverse ! En matière de démocratie, on a connu mieux… » Et de dénoncer le fait que la police municipale aixoise a posé en photo avec l’UNI, un syndicat étudiant « très proche de l’extrême droite » ! Joissains a depuis longtemps tombé le masque : « Pour moi, l’extrême gauche, c’est aussi néfaste que l’extrême droite. » Et de voler au secours autant de sa police que de ce syndicat « paraît-il de droite qui travaille bien et qui s’est dévoué pour faire de la distribution de colis alimentaire ». La disposition sera approuvée, l’opposition oscillant entre vote contre et abstention.
13:30
Dernière ligne droite du conseil avec deux délibérations pour éviter de faire payer les parents qui n’ont pu mettre leurs enfants à la garderie ou à la cantine. L’occasion pour Agopian de demander « quand c’est que ça reprend ». Car, à Aix, la rentrée a eu lieu une semaine plus tard. Et Gaëlle Lenfant de se demander si c’est de la faute de l’Éducation nationale ou de la ville. Expliquant n’avoir pas eu le détail des effectifs, Brigitte Devesa, adjointe à la petite enfance, s’insurge et sous les applaudissements de la majorité, lance : « Je ne laisserai pas dire que la ville n’était pas prête ! »
14:00
Mme la maire a faim et en a marre : « Bon, je vous aurais bien invité au pot de l’amitié mais… » La vanne tombe à plat, l’opposition rappelant qu’elle a oublié de faire voter les deux dernières délibérations. C’est fait. Maryse Joissains remet son masque : « Allez, merci à tous et à la prochaine ! »