Pas de trêve de Noël pour des réfugiés menacés d'expulsion
Emprisonné, torturé, l’une de ses filles enlevée contre rançon… Ce père de famille, commerçant, a vécu l’enfer au Bangladesh avant de fuir vers la France en avril 2019 en tant que demandeur d’asile et réfugié politique. Monsieur M., père de trois enfants de 3 à 10 ans, a connu la persécution pour avoir été membre du parti d’opposition bangladais Bangladesh national party (BNP) dans un pays gouverné par la Ligue Awami depuis 2009 et qui réprime à tout va.
Ce militant, dont le père fut un cadre du BNP, assassiné lors d’une expédition punitive qui le visait lui, est condamné au Bangladesh à trente ans de prison pour « meurtre », après déjà avoir passé plus d’un an au mitard en 2017. « Un coup monté », selon Michèle Mourabi, membre du Collectif d’aide et de soutien aux réfugiés de Sisteron, qui suit de près la famille. Le frère de monsieur M. est actuellement emprisonné tandis que son avocate a été retrouvée assassinée à son domicile. Pourtant, la France a refusé, par une décision de la Cour nationale du droit d’asile rendue le 23 novembre, d’accorder l’asile à la famille.
La cour considère que malgré les éléments apportés (copies de jugements, certificats médicaux, coupures de presse), les explications fournies par monsieur M. sont « imprécises, très peu circonstanciées ou personnalisées », l’explication de sa poursuite judiciaire exposée « en termes imprécis, stéréotypés et impersonnels ». Les certificats médicaux produits pour attester des tortures ? « Ces constatations ne permettent, à elles seules, ni de déterminer les circonstances exactes à l’origine des séquelles relevées ni de les rattacher aux faits allégués », avant de conclure en affirmant que « l’ensemble des faits allégués [n’ont] aucune valeur probante suffisante ».
Le maire de Sisteron « sensible au dossier »
« Un argumentaire hallucinant, pour Michèle Mourabi. Le problème vient aussi du fait que les parents ne parlent pas français et s’expriment dans un anglais difficilement compréhensible pour nous, français. Ce sont des gens issus d’une classe sociale plutôt aisée, rien à voir avec des migrants économiques ! » La famille a deux mois pour faire appel. Mais le pourra-t-elle faute de pouvoir s’offrir à nouveau les services d’un avocat ? Elle attend en tout cas, la peur au ventre, une OQTF de la part de l’État, une « obligation de quitter le territoire français » pour être reconduite au pays.
« Ils n’ont pas le choix, ils ne peuvent pas rentrer au Bangladesh, le père risquerait la mort et le sort des femmes sans mari est très sombre… », s’inquiète Michèle Mourabi. L’objectif du collectif est avant tout de leur faire quitter le CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) et les mettre à l’abri dans un logement afin d’éviter l’expulsion et permettre aux enfants, « tous très bien intégrés » selon elle, de continuer à être scolarisés jusqu’à la fin de l’année scolaire. Avant de pouvoir retenter leur chances concernant la demande d’asile. Mais il faudrait pour cela que soit l’un de enfants soit inscrit dans le secondaire, soit produire de nouvelles pièces à verser au dossier, ou encore que l’un des deux adultes se fasse diagnostiquer une profonde détresse psychologie, « ce qui est difficile quand on ne parle pas Français », rappelle Michèle Mourabi. Une cagnotte solidaire pour venir en aide à toute la famille et leur permettre de se loger a été créée.
Le maire de Sisteron, Daniel Spagnou (Agir, les Constructifs et ex-LR) a bien été contacté par le collectif mais il tient à rester discret. Son directeur de cabinet Roberto Figaroli, explique toutefois au Ravi que le maire, « informé de de la situation le 16 décembre est sensible au dossier. Il préfère directement agir avec ses armes, et efficacement, auprès de la préfète Violaine Demaret ». À suivre.