La solidarité est attaquée !
Je m’appelle Pierre, je fais partie des dix-sept citoyens condamnés en première instance, accusés d’aide à l’entrée en France de personnes en situation irrégulière. J’habite le Briançonnais, territoire frontalier avec l’Italie. J’y exerce les métiers d’accueil et d’accompagnement en montagne.
Quand des exilés ont frappé à nos portes, j’ai ouvert la mienne. Outre les périls de la montagne, ils s’exposent aux actions de policiers soumis à des ordres contraires aux lois. Victimes de pratiques illégales et de violences, d’arrestations dans la montagne et de traques mortelles, des personnes sont handicapées à vie, d’autres meurent, d’autres encore sont refoulées vers l’Italie sans examen de leur situation et dans l’impossibilité d’exercer leur droit au dépôt de demande d’asile ou de protection pour les mineurs.
Aussi, par solidarité envers ces personnes venues chercher protection en France, je participe à ce que nous appelons des maraudes. Mais le 06 janvier 2018 à Montgenèvre, alors que je portais secours dans la neige à quatre personnes par -10°, la police aux frontières m’a interpellé. Impuissant, j’ai assisté à leur arrestation. Or, la police déclare que je les ai aidées à s’échapper. Les faits ont été filmés. Ils prouvent ma bonne foi.
Néanmoins, en première instance à Gap, le 10 janvier 2019, la justice a ignoré délibérément ces éléments apportés pour ma défense. Car ce qui m’a conduit devant ce tribunal, c’est un abus de pouvoir de la police à l’encontre des personnes exilées, ce sont les fausses déclarations de policiers censés représenter la loi, c’est la volonté de faire un exemple de mon cas, comme des 16 autres, pour instaurer arbitrairement un climat de peur et d’intimidation.
Avec tous les solidaires et le Comité de soutien des 3+4+2+… de Briançon, je dénonce la politique mortifère de fermeture des frontières de l’Europe, appuyée par l’opération navale Sophia, la mortalité élevée au cours de l’exil et de la traversée de la Méditerranée, la délégation à des États en guerre (Turquie ou Libye) de la gestion des flux migratoires. Je dénonce aussi le durcissement des politiques migratoires françaises qui accompagne la dérive autoritaire de l’État.
La situation dans les Centres de rétention administrative (CRA) est scandaleuse. Elle procède d’une volonté d’expulser toujours plus de personnes réfugiées au mépris de la Convention de Genève interdisant le refoulement des personnes menacées. L’invention de la notion de « pays sûr » détourne le droit international à la protection des individus menacés en tant que personnes, quelle que soit la situation de leur pays. La France manifeste sa volonté de durcir le règlement Dublin et d’augmenter les renvois dans les pays d’arrivée. Malgré l’absurdité et l’injustice de ce règlement particulièrement coûteux.
L’Allocation pour demandeur d’asile et l’accès à l’Aide médicale d’état sont de leur côté diminués et durcis. L’hébergement est insuffisant. Des milliers de personnes sont laissées à la rue, parmi lesquelles des femmes enceintes, des enfants, des personnes handicapées. Les moyens consacrés par l’État et les Conseils départementaux pour la prise en charge des Mineurs non accompagnés (MNA) sont insuffisants. La solidarité est attaquée, la fraternité menacée. Nous sommes tous en danger.
Pierre, avec tous les solidaires et le Comité de soutien des 3+4+2+… de Briançon 17306