Résidences fermées : "Marseille est un bel exemple de « ville libérale »"
le Ravi : Le « besoin de sécurité » est-il l’argument principal en faveur des résidences fermées qui se développent à Marseille ?
Julien Dario : C’en est un parmi d’autres mais oui, clairement, cela joue un rôle avec par exemple une population vieillissante qui cherche à se protéger de « l’insécurité ». Marseille a cette spécificité d’être une mosaïque, un agrégat fragmenté de populations différentes. Dans les quartiers nord, on va « se protéger des cités alentour ». Mais l’insécurité englobe quelque chose de plus large, c’est aussi se dire « je ne suis pas bien où je vis », parce qu’on n’arrive pas à se garer le soir, qu’il y a des nuisances sonores… Mettre un portail neutralise l’espace, la rue, elle devient privative. Et puis il y a d’autres raisons : l’entretien de la voie coûte moins cher et la fermeture fait grimper le prix de l’immobilier.
Quels sont les impacts de ce phénomène ?
Mon travail s’est concentré sur la voirie. La fermeture et la privatisation totale de rues obligent les habitants à faire des détours pour accéder aux écoles ou aux arrêts de bus par exemple. Cinq ou dix minutes de détour à pied découragent définitivement certains de prendre les transports en commun dans une ville ou règne déjà la voiture. La fermeture pose aussi le problème de la privatisation des usages, c’est un retrait de l’espace utile qui provoque une césure avec d’un côté un espace privé de qualité et un autre, « pourri », avec des bagnoles partout etc.
Des choses sont-elles faites pour stopper le phénomène ? Les élus l’encouragent-ils ?
Marseille est un bel exemple de « ville libérale » où on a laissé faire depuis des décennies. La métropole ne sait même pas réellement quelles voies relèvent du public ou du privé… Maintenant, non, les élus n’encouragent pas le phénomène mais on constate un vrai manque de volonté politique. L’administration dispose tout de même de leviers pour récupérer des voiries privées, qui permettent cette fermeture : expropriations, décret d’un projet d’utilité publique… Il y a en fait un problème de compétences, partagées entre la ville et la métropole, et des désaccords dans lesquels les élus sont empêtrés.