Ventabren, la ville où tout est permis ?
« Dans le pétrin » : c’est le titre de l’épisode des Cinqs dernières minutes tourné à Ventabren où l’inspecteur Bourrel enquête sur une mystérieuse épidémie. Est-ce ce qui a frappé le maire LR et conseiller métropolitain Claude Filippi ? Car, en ce moment, il est notoirement absent. Mi-juin, il a dû se fendre d’une « mise au point pour mettre fin aux rumeurs ». « Rien de grave », juste « de fortes migraines, de violents vertiges, une grosse fatigue », le « résultat d’un surmenage et d’une surcharge de travail » : « Quand le corps dit stop, il faut savoir l’écouter » (1).
Quoique absent, il peut désormais prononcer un « sursis à statuer » pour tout permis de construire « de nature à compromettre » le futur Plan local d’urbanisme (PLU) du pays d’Aix. Un pouvoir qu’il avait déjà mais que l’opposition a dénoncé. Réplique du premier adjoint lors du conseil du 17 juin : « On s’en souviendra lorsque vous parlerez de limiter l’urbanisation ! » Sauf que, pour le groupe (DVD) « Vivre à Ventabren », « ça signifie surtout que le maire a les pleins pouvoirs pour l’urbanisme ». Avait déjà été instaurée pour toute « division de propriété » une « déclaration préalable ». Et le premier adjoint de dire en avril sa « volonté » de « fermer toute urbanisation nouvelle » !
Une révolution dans ce gros village où, ce qui frappe, ce sont les chantiers : l’éco-quartier de « l’Héritière », le « Tchak », des villas ici et là… Comme Filippi l’a reconnu fin 2019, ces dernières années, « la commune a connu un accroissement des constructions ». La faute, dit-il, à la loi Alur qui supprime les « surfaces minimales ». Seul point « positif » : permettre aux « familles de détacher une parcelle pour leurs enfants ». Maire depuis vingt ans, voilà qu’il promet de « restreindre l’urbanisation » et d’interdire la construction de nouveaux lotissements ».
Mais sa bête noire, c’est la loi SRU et les 25% de logements sociaux. En 2014, il n’y en avait que « 9 » sur les 557 obligatoires dans sa commune. D’où un « contrat de mixité sociale » en 2016 en prévoyant 500. Mais, à la veille de sa réélection, volte-face : « Je n’accepterai jamais de construire 650 logements sociaux ». Et ce « en dépit du contrat de mixité sociale signé, avoue-t-il, pour réduire amendes et pénalités ». L’État appréciera. Un bras de fer avait déjà eu lieu avec la préfecture qui avait gelé le PLU par manque d’assainissement collectif.
Côté urbanisme, le contentieux est aussi foisonnant que les chantiers. Ici, un permis recalé faute d’étude hydraulique et parce que la voie d’accès est trop étroite. Là, à côté de l’Ephad, dans l’entrelacs de venelles à peine plus larges, un projet de cession entravé, la ville voulant préempter pour faire du logement social. Même si, en 2019, le maire écrit aux riverains qu’il n’est pas question de « respecter les termes [du] contrat de mixité sociale dans ces secteurs [qui] ne sont pas en capacité d’absorber de l’habitat […] Aucune construction collective ni de logements sociaux ne seront programmés » ! Sur les hauteurs, le « domaine de Chante Grillet », lui aussi, bataille avec la mairie…
Lors de son premier mandat au terme duquel une dizaine d’adjoints avait démissionné, parmi les faits dénoncés par la directrice générale des services des années 2000, certains relevaient de l’urbanisme. Et, quoique relaxé sur ces points, le maire avait été condamné – d’abord à de la prison puis à une simple amende – pour « subordination de témoin » : la DGS à qui il avait proposé un protocole pour qu’elle ne témoigne pas dans un dossier de harcèlement…
C’est aussi pour une histoire de permis que le torchon brûle avec Philippe Wauters, le président de l’amicale des anciens combattants. Qui a fini par se présenter aux municipales. Alors, à chaque commémoration, il n’y a pas une mais deux cérémonies ! « Ventabren, république bananière ? », s’interroge Wauters dans le dernier journal municipal.
Les rancœurs sont tenaces. Tracts anonymes. Interdiction d’en diffuser aux abords des écoles… De quoi rappeler la bagarre entre Filippi et Bernard Le Noël pour avoir diffusé ceux, peu amènes pour le maire, de l’association Un mouvement pour Ventabren à la veille des cantonales de 2011. Condamné à six mois de prison ferme et trois ans de privation de ses droits civiques puis, en appel, à une simple amende, l’édile écopera dans l’histoire de quelques mois avec sursis pour « outrages » envers les gendarmes qui étaient intervenus.
Depuis, Le Noël s’interroge sur le permis accordé en 2020 pour la bâtisse qui pousse juste en face de chez lui. Et de demander à la mairie un arrêté pour interrompre les travaux le temps que le tribunal administratif ne se prononce. Pour l’heure, pas de réponse. Soupir de l’ex-adjointe de Filippi et désormais opposante Brigitte Herubel : « A chaque fois, les peines du maire sont réduites et il a la protection fonctionnelle. Comment voulez-vous que ça ne suscite pas un sentiment d’impunité ? » Dans ses courriers, Filippi se dépeint comme un « maire gaulois ». D’autres le voient comme un « cow-boy » après l’avoir vu distribuer, au grand dam du préfet, des armes semi-automatiques à la police municipale et au garde-champêtre pour « traquer » les cambrioleurs.
Va-t-il se mettre au vert ? A croire son premier adjoint, il voudrait convertir les zones à urbaniser en zone naturelle. Pour l’épauler, gageons qu’il pourrait trouver avec son frère, Gérard, un allié de poids. Karatéka, entomologiste, il a monté Ecotonia, un « cabinet d’expertise naturaliste ». Ses clients ? La métropole, la région, la Semepa, Total, le circuit Paul Ricard… Dans son équipe, on trouve Camille et Louise Filippi. À Ventabren, on craint dégun ! Après tout, en provençal, le nom de la bourgade signifie « fanfaron »…
1. Sur Facebook, fin juin, le maire s’est pris en photo à son bureau avec ce commentaire : « Après un peu de repos, reprise du boulot en pleine forme ». Mais, à la mairie, on nous dit qu’il n’est « pas encore opérationnel ». Et n’a pas répondu au Ravi.