Logement : ça urge !
Il va en falloir un peu plus que les seules promesses de la ministre du logement pour convaincre les acteurs de l’urgence sociale des bonnes intentions de la réforme de l’hébergement d’urgence annoncée par le gouvernement début septembre. Notamment sur le volet « logement d’abord », réclamé depuis dix ans. « Comment mener cette politique sans production de logements ? Le gouvernement qui la porte n’a jamais tenu ses promesses en matière de construction de logements sociaux. Il y a même eu une baisse de l’effort public », dénonce Florent Houdmon, le directeur régional de la Fondation Abbé Pierre (Fap).
C’est ce que rappelle crûment la Fap Paca dans son 26e rapport annuel sur l’état du mal-logement. Sur ces cinq dernières années, le taux de réalisation s’est effondré, passant de 80 % à 57 %. « Dans ce contexte, l’offre de logements sociaux reste notoirement insuffisante, insiste le document qui chiffre le déficit à 265 000 € au 1er janvier 2020. La région compte moins de 12 % de logements sociaux (3 points de moins que la moyenne nationale). » Autre mauvais indicateur : les communes préfèrent toujours construire du logement social pour classes moyennes plutôt que des vrais logements sociaux pour les plus pauvres.
Des pauvres pourtant toujours plus nombreux, 17,3 % contre 14,6 % au niveau national. « La crise a joué un rôle d’accélérateur de la précarité et de l’exclusion », avec « une forte progression en 2020 du nombre de bénéficiaires du RSA » (175 610 allocataires, + 10 % par rapport à 2019), note encore le rapport. Résultat : « Comme il y a plus de pauvreté mais peu de logements sociaux, le mal-logement s’accroît », s’inquiète Florent Houdmon. Avec également une augmentation du sans-abrisme…
« Retour à l’anormal »
Une population qui a officiellement crû de 11,2 % entre 2011 et 2016 à Marseille, pour atteindre 14 000 personnes, rappelle la Fap dans la seconde partie de son rapport, consacrée aux « populations sans logement à l’épreuve du confinement » dans la seconde ville de France. Un chiffre largement sous évalué, selon le directeur régional de la Fap : « Pendant la crise sanitaire, on a découvert 1 700 sans-abri en plus, dont 500 enfants, mais il y a encore des centaines de personnes en squat et bidonville. »
Ce n’est pas le seul « effet loupe » de la pandémie, selon le rapport sur le mal-logement. La crise sanitaire a également mis en lumière tous les dysfonctionnements locaux de la lutte contre le sans-abrisme. En vrac : méconnaissance du nombre de personnes sans-abri comme du stock de places d’hébergement, manque de moyens et multiples problèmes du Service intégré d’accueil et d’orientation, chargé de centraliser la prise en charge des sans domicile, abandon volontaire des demandeurs d’asile et sans-papiers…
Mais la pandémie a aussi eu la vertu de donner une idée des moyens nécessaires pour arriver à « zéro SDF », comme promis par la préfecture en 2017. Depuis 18 mois, l’État a débloqué des moyens sans précédents pour mettre le maximum de personnes à l’abri : des places d’hébergement, d’urgence ou non, ouvertes par centaines, des expérimentations à foison, des personnes sans-abri enfin prises en charge et accompagnées vers l’insertion…
Alors qu’il y a toujours urgence, la décision de ne plus, désormais, ouvrir de nouvelles places d’hébergement laisse les acteurs de l’urgence sociale songeurs sur l’avenir et la réforme promise. Avec la crainte « d’un retour à l’anormal », pour reprendre l’expression de Florent Houdmon.