À Mar Vivo, des logements sociaux... balnéaires

La mer n’est qu’à deux minutes à pied. On l’aperçoit au bout de la rue, comme encadrée par les hauts des troncs de palmiers, qui jaillissent de plusieurs jardins. Les maisons individuelles couvertes de crépi côtoient les belles demeures coloniales début de siècle. Dans le quartier de Mar Vivo, à La Seyne-sur-Mer (83), le quotidien a des airs de vacances chics à la mer. Mais de l’autre côté de l’avenue, sur les grilles et les murs d’enceinte de deux maisons vides, une bataille se joue. Pancartes dénonçant « le bétonnage » et « le massacre d’arbres centenaires » : les habitants se mobilisent contre un projet de construction de 23 logements HLM. Un projet soutenu du bout des lèvres par la nouvelle municipalité LR, qui a fait basculer la ville aux dernières municipales.
Longtemps fief du parti communiste, La Seyne a été pendant des décennies plutôt bien pourvue en HLM, représentant 19 % des logements de la ville. Mais les nouvelles règles d’urbanisme votées sous le quinquennat Hollande, qui font passer de 20 % à 25 % l’objectif fixé par la loi, changent la donne. La municipalité se retrouve frappée par des amendes pour n’avoir pas construit suffisamment de logements abordables. D’abord de 440 000 € par an, la facture est montée l’an dernier à 800 000 €, sur un budget annuel de 84 millions.
De l’eau sous le parking
C’est dans ce contexte qu’émerge le projet de Mar Vivo. Un promoteur rachète deux maisons voisines au fond de l’avenue des Fleurs, puis obtient en mai dernier un permis de construire pour un bâtiment de douze mètres de haut, répartis sur trois étages et un parking souterrain. Le dossier prévoit de supprimer 14 chênes, mais d’en replanter autant, plus en arrière du futur bâtiment. Aussitôt, les riverains montent au créneau, mettant en garde contre un écocide. « Il y a une incertitude sur l’impact des travaux du parking sur la nappe phréatique qui existe sous le quartier, qui est reliée à la mer et qui permet à plusieurs habitants de pomper de l’eau pour leur jardin, explique André Delacourte, animateur du site web Littoral Seynois, qui documente l’avancée du projet et ses oppositions. Les arbres qui doivent être abattus sont des chênes centenaires de douze mètres de haut. Et le type d’architecture retenu ne s’intègre pas du tout dans le style très typique des maisons du quartier. S’il y avait un recalibrage du projet, plus petit, moins haut, on pourrait être d’accord. »
Les riverains s’inquiètent aussi de l’augmentation de la circulation automobile dans le quartier. Pas sûr, vu qu’une ligne de bus passe à moins de 800 mètres des futurs logements. Mais avec au moins une cinquantaine d’habitants en plus, et un parking, la vie du quartier sera indéniablement impactée. D’autant plus que, sur ce deuxième rang de front de mer, les rues sont étroites et les trottoirs parfois inexistants. Une situation sur laquelle s’appuient les opposants pour dénoncer une erreur dans le zonage du plan local d’urbanisme (PLU). Dans un recours gracieux déposé début septembre auprès de la mairie, cinq voisins du projet estiment que le quartier n’aurait pas dû être classé en « zone dense à vocation principale d’habitat […] desservie par des voies de gabarit important ». « Et quand bien même le règlement de ce type de zone s’appliquerait, le projet risque de porter atteinte au caractère des lieux avoisinants », note leur avocat Me Théodore Catry.
« Pas téléguidé »
Face aux opposants, la nouvelle mairie LR semble ambivalente. « C’est un projet de promoteur, ce n’est pas téléguidé par la mairie, explique le cabinet de Nathalie Bicais. On est contrarié par cette opération, mais pour s’y opposer il faudrait modifier le PLU à la métropole. Nous avons conseillé aux riverains d’attaquer le projet en justice. » Selon les opposants au projet, la municipalité LR les aurait effectivement encouragés à engager des recours devant le tribunal administratif, ne pouvant elle-même contrer un projet « conforme au droit et à la volonté de l’État de bâtir du social dans les zones épargnées ». Au-delà des arguments environnementaux, pointe le rejet de plus de mixité sociale. « C’est l’astuce de l’État, de regarder le logement social à l’échelle du quartier pour que personne ne soit épargnée, dénonce André Delacourte. Personnellement, je me demande quel type de faune on va avoir ? Si ce sont des travailleurs, d’accord, mais si on ramène des cas sociaux… La mairie nous dit qu’avec des loyers entre 600 et 700 € ça va sélectionner, mais quels sont les critères d’attribution des logements ? On ne sait pas. » Presque deux mois après le dépôt du dernier recours gracieux, le projet des HLM à Mar Vivo était toujours à l’arrêt.