Après l'incendie, 13 Habitat reloge enfin les derniers locataires des Flamants

Si les migrants sont déjà revenus aux Flamants (voir ci-dessous), une cité des quartiers Nord de Marseille en réhabilitation depuis une quinzaine d’années où sont morts dans un incendies trois jeunes nigérians samedi 17 juillet au petit matin, les derniers locataires officiels du bâtiment A n’y remettront eux jamais les pieds. « On nous a dit qu’on n’y retournerait pas », assure ainsi Chaïma (1), qui habitait au A3.
Comme les onze autres familles avec titre, elle et son mari ont été pris en charge – sept ont été mises à abri en hôtel, cinq préférant être hébergées chez des proches –, par 13 Habitat, propriétaire de l’ensemble. Le bailleur social du département des Bouches-du-Rhône, dirigée par la LR Martine Vassal depuis 2015, semble enfin décidé à finaliser leur relogement en vue de la relance des travaux de réhabilitation du dernier tripode (145 appartements dont 113 squattés) de cette cité construite au début des années 1970. « Une relocation » dans le jargon de l’office HLM présidé par Lionel Royer-Perreaut, maire LR des 9e et 10e arrondissements de Marseille, que certains habitants attendent depuis plus de quinze ans. C’est en effet sur cette partie de la cité que s’est déroulée, en 2005, la première phase de travaux de rénovation, avant d’être stoppée en 2009 suite à la découverte d’amiante.
« Sur les 12 familles, deux dossiers ont déjà été validés en commission d’attribution des logements (CAL) et sont en attente des déménagements des familles concernées, deux dossiers passent en CAL aujourd’hui, deux dossiers passeront en CAL demain et pour les deux autres familles les visites [se font] aujourd’hui et demain », détaille le bailleur social dans une réponse écrite au Ravi du mercredi 21 juillet. Alors que certains dossiers traînent depuis la relance du projet en 2018, ça ressemble à un vrai coup d’accélérateur ! « J’ai l’impression que ça va à 200 à l’heure, mais c’est dingue qu’il ait fallu des morts », désespère un locataire qui devrait bientôt aménager dans une résidence qu’il réclamait en vain depuis plusieurs années.
Chanceux et malchanceux
Une chance que n’ont pas tous ses voisins avec titres du bâtiment A. Selon 13 Habitat, sur les quatre familles restantes deux ont refusées les propositions de relocation, une n’a pas répondu et pour la dernière il y a inadéquation entre les souhaits géographiques et les disponibilités de logements du bailleur. Mais il semble que ce soit un peu plus compliqué que ça. Contactées, deux locataires, aujourd’hui hébergées en hôtel, dénoncent des propositions indignes. « On m’a proposé le même logement que j’ai déjà refusé il y a un an », accuse Céline, habitante du bâtiment A1, qui souhaite désormais quitter le quartier. « Il a fallu un drame, c’est épuisant. Je ne veux pas un château, juste quelque chose de décent, pas dans une tour et tranquille. »
Chaïma, sa voisine a, elle, vu un des mort chuter samedi matin. Elle aussi a décidé de s’exiler loin des Flamants après l’incendie, le troisième en un an selon elle. « On m’a proposé un logement dans une cité aussi compliquée que la nôtre, dans les quartiers Est, en me disant de prendre ce que l’on me proposait, alors qu’on m’avait promis un logement neuf, dénonce cette quinquagénaire. Moi j’aimerai bien aller aux Catalans, mais on m’a répondu que c’est pas pour moi. C’est pour qui alors ? »
Des mauvaises manières dont 13 Habitat a l’habitude. Comme l’a raconté le Ravi il y a tout juste un an (n°186, juillet-août 2020), le bailleur du « CD 13 » a tendance à fermer à double tour certaines de ses résidences neuves à ses locataires les plus précaires, les habitants des Flamants en tête. Une pratique, « discriminatoire » pour les intéressés, qui avait fait tousser la métropole, en charge des projets de rénovation urbaine, comme la préfecture. « 13 Habitat fonctionne à l’usure. Je connais une quinzaine de familles qui ont craqué et accepté des logements qu’elles ne voulaient pas », explique un militant qui accompagne depuis plusieurs années les familles du tripode dans leur relogement.
Risques d’incendie
Il y a un an, l’office HLM se justifiait auprès du Ravi par une « politique de peuplement » et une volonté de « mixité sociale » peu évidente. Aujourd’hui, la défense s’est un peu arrondie. « 13 Habitat essaye toujours de concilier les souhaits de relogement des locataires et ses disponibilités dans son parc immobilier. Nous devons également tenir compte des demandes de relocation émanant de locataires d’autres résidences, de même que les demandes des nouveaux locataires entrant à 13 Habitat », explique désormais le bailleur dans sa réponse au Ravi. Autre raison invoquée mais discutable : l’obligation d’une « relocation » au même loyer (2).
Pour les derniers locataires du bâtiment A des Flamants , le combat ne s’arrêtera cependant pas avec leur relogement. Certains envisagent d’attaquer le bailleur sur de vieux contentieux : notamment la facturation jusqu’au drame de charges indues d’ascenseurs et de ménage. Les premiers ont été mis à l’arrêt en décembre 2020 et le second n’est plus réalisé depuis un an… Leurs conditions d’évacuation interrogent aussi Céline, Chaïma et leurs anciens voisins.
D’autant plus, qu’à plusieurs reprises depuis 2019, ils ont dénoncé auprès de leur bailleur et de la préfecture les risques d’incendies liés au mauvais entretien du bâtiment par 13 Habitat et au squat des appartements vacants. Le bailleur du « CD 13 » renvoie à l’inaction de la préfecture et de la police, mais oublie que s’il n’avait pas tant tarder dans le relogement des habitants ses appartements n’auraient peut-être pas été si longtemps à l’abandon…
1. Le prénom a été changé. Pour ne pas obérer leur relations avec 13 Habitat, nos interlocuteurs ont préféré rester anonymes.
2. il y a un an, la préfecture précisait au Ravi certaines conditions de relogement. En particulier « le maintien d’un reste à charge équivalent (loyers déduit des aides au logement) pour les ménages sous conditions de ressources PLAI (revenu inférieur à 21 575 €/an pour un foyer de quatre personnes), et la maîtrise de l’impact économique du relogement pour les autres ménages, avec versement d’une compensation financière le cas échéant. »