Menacée d'expulsion d'une chambre sans fenêtre, louée 400 euros !
Bienvenue à l’hôtel la Caravelle. Non, nous ne sommes pas du côté de l’hôtel de ville de Marseille, à la terrasse de ce bar-restaurant avec vue imprenable sur le Vieux-Port et la Bonne Mère. Mais juste à côté du collège lycée Thiers, non loin du commissariat de Noailles et à moins de cent mètres de la mairie de secteur, dans la rue Guy Mocquet.
Nadia, la soixantaine en colère, nous accueille dans la chambre qu’elle loue dans cet hôtel meublé. Et, pour nous mettre dans l’ambiance, pointe, dès l’entrée, dans la cage d’escalier, l’arrivée d’eau qui fuit et sous laquelle a été placé un seau. « Voyez dans l’état où c’est ! Et il arrive que l’on n’ait pas d’eau chaude ! »
L’escalier penche comme dans les vieux immeubles marseillais. Et, loin d’être de première fraîcheur, la peinture des couloirs, donne une ambiance toute carcérale à cet établissement où, pour renforcer cette impression, ont été installées dans les parties communes des caméras. Non loin d’une cuisine commune à la propreté plus que douteuse, a été griffonnée à la hâte un numéro de portable –celui du gérant- avec la mention « en cas d’urgence » (1)
Plancher renfoncé
Toutefois, c’est de saison, sur une porte, on peut lire « bonne année 2021 ». Difficile d’y croire en voyant quelques insectes suspects se balader sur les murs au deuxième étage. Ou, un étage plus haut, la chambre où habite depuis quinze ans Nadia. « Comme vous pouvez le voir, ça fait à peine 9m2 et il n’y a pas de fenêtre », déplore-t-elle. Au-dessus de la porte, la télé tourne en sourdine. L’essentiel de l’espace est occupé par un placard où ses affaires trouvent, place, tant bien que mal, et un lit étroit, au dessus duquel passe un tuyau d’évacuation. Sous le lit, ce n’est pas mieux. On découvre un renfoncement du plancher de plusieurs centimètres. « Quand je fais le ménage, je fais attention car j’ai peur de passer à travers ! Je ne sais pas si c’est assez solide… »
Dans cette pièce aveugle, notre locataire n’a pas d’autre choix que de laisser allumée en permanence une lampe de chevet qui éclaire chichement les dessins de son petit fils et sa photo : « Je ne peux même pas l’accueillir ici, c’est trop petit. Et la seule fois où il est venu, il a pris peur », dit-elle, navrée.
L’unique ouverture se trouve dans la salle d’eau. « Une fenêtre grillagée », souligne Nadia. Avec vue imprenable sur… la ventilation de l’immeuble en face ! Dans cette pièce minuscule, elle a calé une plaque électrique pour, tant bien que mal, cuisiner. Juste à côté des toilettes où, pour que la chasse d’eau fonctionne, « il faut cogner sur les tuyaux ». Au plafond de la douche, les stigmates d’un dégât des eaux XXL.
Pour la fenêtre c’est plus cher
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, pour Nadia, c’est quand, cet été, alors qu’elle paye déjà 400 euros pour une chambre sans fenêtre, lui a été demandé 50 euros supplémentaires ! « Sans justificatif ! Comme j’ai protesté, c’est tombé à 30 euros. Mais sans justificatif, j’ai refusé. On a des droits et des lois ! » Et celle qui a trouvé cette chambre « suite à une séparation » de se rappeler que le gérant lui a proposé une chambre « avec fenêtre. Mais plus petite. Et plus chère ! »
Depuis cet été se déroule donc un véritable bras de fer. D’après la locataire, le gérant refuserait d’encaisser son loyer. Dernier épisode en date ? Nadia a reçu un avis de passage d’un huissier. Les prémices, d’après son avocate Chantal Bourglan, d’une « procédure d’expulsion ».
Lors de notre reportage à la mi-janvier, le gérant Ahmed Rahmoune, n’était pas sur place (1). Celui qui occupe son bureau nous dit qu’il est « malade ». La conversation tourne court quand Nadia l’interrompt : « Vous, vous habitez ici ! Vous êtes locataire ! Que faites-vous dans ce bureau ? Il y a nos papiers ! »
Kaouther Ben Mohammed de l’association « Marseille en colère », est remontée : « Louer une chambre sans fenêtre, c’est tout bonnement illégal ! Son logement est, à minima, insalubre. Voilà pourquoi on l’épaule. Elle devrait avoir droit à un logement décent. D’ailleurs, on a interpelé la mairie en ce sens ». D’après nos informations, alors que la Fondation abbé Pierre s’est elle aussi saisie du dossier, les services de la ville auraient programmé une visite, vraisemblablement cette semaine, le service « hygiène de l’habitat » ayant été saisi, un « architecte de sécurité » de la division de la protection et de la gestion des risques (DPGR) devant aussi se rendre sur place.
De fait, ce n’est pas la première fois que l’hôtel la Caravelle fait parler de lui. En 2017 déjà, la SARL Faray, qui est propriétaire de l’établissement, s’était retrouvée devant les tribunaux. Mais, désormais, le gérant semble se faire discret. A plusieurs reprises, on tentera, sans succès, de le joindre. Jusqu’à ce que décroche une personne se présentant comme un « exécutant ». Nous disant que le gérant ne reviendrait qu’à la fin du mois. Pour « vendre l’hôtel »…