Après l’effondrement des immeubles, celui des services ?
Aujourd’hui, ce 12 avril, dans la caravane du premier ministre Edouard Philippe, en déplacement à Marseille, on devrait trouver le ministre en charge de la ville et du logement. Et quand Julien Denormandie vient dans la cité phocéenne, c’est rarement pour rien. Lors de sa visite en début d’après-midi à l’espace d’accueil des personnes évacuées, gageons qu’il devrait avoir vent de ce qui se passe depuis quelque temps au sein des services de la ville. En particulier celui en charge de la gestion des arrêtés de périls.
Après l’effondrement des immeubles, celui des services ? D’après les informations du Ravi, le service de la prévention et de la gestion des risques (SPGR), qui s’occupait jusqu’au drame de la rue d’Aubagne de « 250 signalements par an » et qui a eu à en gérer, depuis le 5 novembre dernier, dix fois plus a dû faire face à une désorganisation massive puisqu’assez rapidement, les quatre responsables – chefs et adjoints… – se sont fait porter pâle !
Au-delà des renforts plus ou moins volontaires venus des autres services de la ville, la municipalité a fait appel à un marin-pompier à la retraite, l’amiral Philippe Vernerey, pour réorganiser la cellule de crise d’un service appelé à devenir une direction à part entière. Et si, du côté de la FSU, on nous assure que « suite à l’audit mené, les choses sont en train de rentrer dans l’ordre », tout le monde n’est pas de cet avis. A commencer par les agents qui viennent en renfort : « Près de six mois après le drame de la rue d’Aubagne, c’est encore et toujours la désorganisation qui règne. Quand on arrive dans le service, on ne sait pas forcément ce qui a été fait et ce qu’il y a à faire. Il y a de vrais problèmes de suivis et de transmission. Sans parler des questions évidentes de compétences… »
« On s’adapte »
Des questions d’autant plus prégnantes que la ville doit désormais se prononcer sur la levée de certains arrêtés de péril. « Attention, nous prévient-on en interne. Ce sont des procédures très encadrées et qui ne peuvent être mis en œuvre que par des personnes qualifiées. » A la veille de la visite ministérielle, ça ne se bousculait pas pour répondre aux questions du Ravi. Ni Yves Moraine, le patron de la droite marseillaise, ni Arlette Fructus, la madame « logement » de la ville, ne se sont risqués au moindre commentaire, renvoyant vers leur collègue Julien Ruas (1).
Soupir de Jean-Pierre Chanal, le directeur général adjoint des services : « Il y a eu un tel investissement, une telle solidarité que certains sont fatigués. Et pas que les cadres. On est en train de les remplacer. On vit une situation complexe, avec des enjeux durables. On s’adapte et on sollicite les avis et expertises de tous, y compris des marins pompiers. Je trouve ça banal et si nous ne faisions pas vous nous le reprocheriez. » Patrick Lacoste, de l’association « Un centre ville pour tous », n’en a pas moins la dent dure : « Il y a eu le recrutement de six architectes mais le service de l’hygiène est toujours exsangue il n’y a toujours aucune coordination des services. Et il y a chaque jour des signalements. La prétention de la ville à reloger tout le monde dans les six mois ne va pas tenir… »
Mais, comme le Ravi vient de le révéler dans notre dernier numéro (le Ravi n°172, daté avril 2019), actuellement chez les marchands de journaux, dans une ville capable d’oublier dans un tiroir un rapport datant de 2016 sur le logement indigne à la Belle de Mai, l’effondrement d’un service est bien sûr moins dramatique que celui des immeubles de la rue d’Aubagne. Une situation sur laquelle, six mois après le drame à la veille de la présentation du rapport du mal-logement de la fondation abbé Pierre, le Ravi ne manquera pas de revenir une fois de plus dans son édition en mai.
Sébastien Boistel & Jean-François Poupelin (avec Clément Chassot)
1. Il n’a pas donné suite à nos sollicitations
Le dessin qui illustre cet article a été signé par Ysope le week-end dernier dans la rubrique « le clin d’œil du Ravi » de l’édition Week-end de Marsactu.