Interdit aux cis-clistes !

Cycliste du quotidien à Marseille, Anne ne compte plus les fois où des automobilistes disgracieux lui ont contesté son espace sur la route. Et parfois l’acte s’accompagne de paroles fleuries. « Heureusement que t’es bonne sinon je t’aurais écrasée », s’est-elle déjà entendue dire. Sidération pour la trentenaire à cet instant-là : « Tout va trop vite. Et sur ton vélo, tu te sens trop vulnérable. Une fois que tu réalises, il est parti. » Si exister sur la voie publique à Marseille en tant que cycliste est en soi une gageure, être assignée par d’autres usagers en tant que minorité de genre ajoute une autre dimension à la lutte.

Ce 9 juillet, le collectif Les Déchaîné·e·s fête son premier anniversaire. Et pour l’occasion, la Dar Lamifa, le centre social autogéré de la rue d’Aubagne, fait le plein. « Bonsoir, vous connaissez le principe de la soirée ? » La question s’adresse aux hommes. A l’entrée, les artisanes du collectif font de la pédagogie et filtrent pour garantir une soirée festive sans comportements de mecs relous. « Du son pour nos vélorutions ! », clame l’affiche de l’événement. Objectif principal des fonds récoltés grâce au prix libre : acheter une sono pour mettre les watts. Le collectif organise à chaque pleine lune « une vélorution féministe en mixité choisie sans homme cis (1) ».

Avant que ne se produisent des femmes DJ, les membres du collectif montent sur scène pour le présenter. « A la base, l’histoire n’est pas hyper fun », prévient Pola en dépit de son visage scintillant de paillettes. Elle raconte qu’un type à scooter l’a agressée sexuellement alors qu’elle était sur son biclou : « Je me suis pris une énorme main au cul. C’était hyper violent ! » Ensuite, elle a partagé son agression sur Facebook et a reçu en retour une avalanche de soutiens et de partages d’expériences similaires. « C’est grâce à cela que le collectif s’est monté. On est là pour affirmer qu’on est dans l’espace public et qu’on y a notre place ! », conclut Pola. Applaudissements nourris !

Les Déchaîné·e·s organisent aussi des voyages à vélo. Début juin, elles ont été quelques-unes à pédaler jusqu’à Nice pour participer à la manifestation « Toutes aux frontières » en soutien aux femmes exilées. Des bicyclettes comme outils de luttes intersectionnelles…