A plein tubes
Enfin une ministre qui réconcilie sciences dures et sciences sociales ! Avec sa loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), l’ex-niçoise Frédérique Vidal a réussi à se mettre à dos la quasi-totalité de la communauté scientifique. Plus de 800 patrons de labos français dénoncent son projet, et le Conseil économique, social et environnemental vient de voter à l’unanimité un avis lui intimant – en filigrane – de revoir totalement sa copie.
Sur le papier, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche cochait pourtant toutes les cases. Elle-même chercheuse en biochimie, professeure, elle connaît aussi la part administrative et financière de l’université après son passage à la direction du département Sciences de la Vie de Nice Sophia Antipolis. Mais les premiers signes d’inquiétude chez ses confrères surgissent dès 2012 et son accession à la présidence de l’université de Nice. Elle y crée deux « diplômes d’établissement » payants, à 4 000 € l’année, contre moins de 300 € pour des diplômes classiques de même niveau. Étudiants et enseignants-chercheurs montent au créneau et dénoncent une privatisation rampante de l’université, prise en tenailles entre l’augmentation du nombre d’étudiants et « l’autonomie financière » instaurée en 2007 par Nicolas Sarkozy.
Parcoursup primé
Quand elle est appelée par Macron pour devenir ministre, Frédérique Vidal hérite de deux dossiers bouillants : les conditions de choix de filière pour les nouveaux étudiants en licence, et le financement de la recherche. Pour le premier, elle met fin au tirage aux sorts dans les filières surchargées et met en place en 2018 le système Parcoursup. Deux ans après, c’est un succès : étudiants, parents mais aussi Cour des Comptes, Défenseur des droits et Conseil constitutionnel dénoncent un système opaque, anxiogène, aux critères « contestables ». La ministre allait-elle retenir la leçon pour sa réforme de la recherche qui devait redonner moyens et vision à long terme aux labos français ?
Dans un « en même temps » très macronien, Frédérique Vidal commence par consulter largement dans le pays. Puis fait l’inverse de ce qu’on lui réclame. La pérennisation des fonds ? La LPPR accentue le recours aux appels à projets, qui épuisent les chercheurs. La pérennisation des emplois ? Le projet de loi crée un « CDI de mission » sans durée plancher, ouvrant la voie aux abus. Quant à l’augmentation du budget de la recherche, il est fixé à l’horizon… 2030 !