Éduquons, c’est une insulte ?
Avec la macronie, pas un mois sans une attaque contre les médias. Derniers exemples en date ? La ministre de la Justice plaidant pour que l’injure et la diffamation relèvent non plus de la loi de 1881 mais du droit commun, au risque de vider de sa substance la loi régissant la liberté de la presse. Ou le secrétaire d’Etat au Numérique réclamant pour la mise en place, au forceps s’il le faut, d’un « conseil de l’ordre des journalistes » qui soit capable, appelle-t-il de ses vœux, de dire : « Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements »…
Alors, quand le ministère de la Culture met le paquet sur l’éducation aux médias et à l’information (EMI), on peut s’interroger. Ce serait non seulement un « défi démocratique » mais aussi l’une des « priorités » du ministre. Avec 1,5 millions d’euros pour les projets d’envergure nationale ou interrégionale et autant pour les projets locaux.
L’appel à projet interroge. D’abord parce qu’il octroie autant aux « gros » qu’aux « petits ». Et comme le note la responsable d’un titre, « après nous avoir demandé de faire du chiffre, on nous dit désormais quoi faire ». En effet, l’an dernier, la future-ex ministre de la Culture, Françoise Nyssen, assénait : « Mon objectif d’ici la fin du quinquennat ? Que toute une classe d’âge ait pu être touchée. » Aujourd’hui, les objectifs sont précis : « lutter contre les contenus haineux », « décrypter les infox », « favoriser une meilleure compréhension du travail journalistique, des médias » mais aussi « lutter contre le piratage »… Avec la volonté de faire à l’EMI « une place importante » au sein du « service national universel » !
Pas facile de s’y retrouver. Même au sein des Directions régionales de la culture : « On navigue plus ou moins à vue. Et la logique des appels à projet n’est simple pour personne. Ça nous permet néanmoins de repérer de nouveaux acteurs, ce qui évite de trop figer le secteur. Et le ministère met des moyens pour les médias. Et ça, on est toujours preneur… »
En atteste le travail de Flore Fenouillet, de l’Institut de management public et de gouvernance territoriale, sur le dispositif « journalistes en résidence », face à la « diversité des territoires, des structures et des propositions », il y a la volonté d’y voir clair. Et de s’organiser, comme dans le Nord avec EMI’Cycle, un réseau qui réunit les acteurs de l’éducation aux médias dans la région. En clair, la télé participative d’Amiens Carmen (feu Canal Nord), l’école de journalisme de Lille, un labo de recherche...
« Comme il y avait un flou sur les attentes et une diversité d’approches, on a décidé de s’organiser. Pour mieux identifier les acteurs et se coordonner », nous explique Clémence Boulfroy. Qui craint moins le volontarisme du ministère que « tout s’arrête ». Gageons qu’avec le pouvoir en place, en matière de fake news, la matière ne manquera pas. N’est-ce pas la porte-parole du gouvernement qui a déclaré : « J’assume de mentir pour protéger le président » ?