Printemps marseillais : erreurs de jeunesse ?

Sébastien Barles, aujourd’hui adjoint EELV à la transition écologique, s’était cassé les dents, en 2019, avec son « syndicat des poussettes enragées », à vouloir rendre aux familles des espaces qui n’avaient plus de public que le nom : il n’avait pu rouvrir, près de Saint-Charles, le square Labadie. La mairie du 1/7 vient d’y parvenir. Et de promettre, pour cet été, un accès plus large des minots des centres aérés à l’emblématique vallon des Auffes.
L’école a été au cœur de la campagne du Printemps marseillais (PM) promettant un « plan d’urgence » avec « un milliard » pour la rénovation des écoles, la « fin du monopole de Sodexo »… Céline Baron, du Collectif des écoles de Marseille (CeM), le reconnaît : « On a largement contribué au programme du Printemps. » Séverine Gil, de l’association de parents d’élèves MPE 13, renchérit : « Il y a la volonté de faire de l’école et de l’enfant une priorité. » Avec quatre adjoints : le monsieur « éducation » Pierre Huget, son homologue au bâti Pierre-Marie Ganozzi, Marie Batoux à l’éducation populaire et Sophie Guérard en charge de « la place de l’enfant dans la ville ».
Sauf que, note MPE13, « le retard est énorme et le niveau d’exigence n’en est que plus haut ». Dont acte à la veille du premier budget made in PM. 2 000 signatures pour la pétition des parents d’élèves du 4/5 exigeant « des embauches maintenant » ; lettre ouverte du MPE interpelant le maire à propos du faible taux d’encadrement à la cantine. Quant au CeM, son analyse du budget sera cinglante. Rejoignant celle… du LR Pierre Robin ! Pour qui, avec 25 % du budget alloué aux écoles comme sous Gaudin et le même nombre de « tatas » qu’en 2020, il n’y a pas d’« effet Payan ».
« Il y a la volonté de faire de l’enfant une priorité »
Grimace de Céline Baron : « C’est bizarre de voir la droite nous “liker”. Mais, sur le fond comme sur la forme, l’analyse est juste. » Au-delà du taux d’encadrement – « l’un des plus bas de France » – ou le recours à de « l’emploi précaire alors qu’il ne faut pas se contenter de boucher les trous », le CeM fustige la « baisse de 40 % de la caisse des écoles », le fait que la ville passe par un « marché global de performance » pour la rénovation de cinq écoles ou encore le fameux « accord » limitant le droit de grève. « Le pire, c’est le décalage entre le discours et ce qui est fait, affirme-t-elle. Ce n’est pas parce c’est la gauche qu’on va être plus indulgent. On n’a vu les élus en charge de l’école qu’une fois et, depuis, on se regarde en chiens de faïence. »
Séverine Gil est à peine moins sévère : « Les recrutements, c’est trop réducteur. Le souci est plus profond. Il s’agit de la gestion du personnel. On est encore à l’âge de pierre ! En terme d’absentéisme et de compétence, c’est du jamais vu. » Et de soupirer à propos de la rénovation de cinq écoles : « Ça fait pas rêver. C’est ce que faisait Gaudin. Et cinq ans, ça passe vite », nous dit celle qui voudrait une école « plus ouverte » et qui s’interroge sur la répartition des tâches entre ville et métropole. Ou, plus gênant, sur « ce que recouvre le mandat de Sophie Guérard. D’ailleurs, on ne l’a jamais rencontrée ». Comme le Ravi (1). Reste, à l’actif du PM, des mesures attestant une rupture : comme la modification de la carte scolaire pour que les enfants de l’école Ruffi, parqués depuis dix-sept ans dans des préfabriqués, puissent être scolarisés dans l’école flambant neuve que la majorité Gaudin voulait réserver aux nouveaux habitants d’Euroméditerranée.
Mi-avril, Marie Batoux, adjointe à l’éducation populaire, visite près de la place Castellane un centre d’animation pour l’accueil des enfants des « publics prioritaires ». Mais la veille, le centre social du Plan d’Aou se fend d’un communiqué dénonçant les « retards de salaire », « jours non-payés », l’« absence de fiches de paie » ou de « mutuelle ». « Nous étions prêtes à démarrer une grève reconductible mais avec ce nouveau confinement il n’y aurait eu que peu d’impact », écrivent ces salariées « fatiguées de [se] taire, de faire avec des bouts de ficelle. » Fin avril, elles franchiront le pas pour se mettre en grève reconductible. De quoi faire écho, après la liquidation de l’Ifac Provence, à la situation dans d’autres établissements. Ou au CCO où les convocations par la direction de salariés se sont poursuivies (Cf le Ravi n°194)
L’élue est dans ses petits souliers : « Ce sont des centres qui ont des activités extrêmement déficitaires et la crise sanitaire n’a rien arrangé. Un audit sur son impact est en cours mais je n’exclue pas d’en demander un pour voir comment ces centres ont rempli leurs missions dans le cadre de la délégation de service public qui leur a été confiée ». Et Juliette Masson, adjointe aux écoles à la mairie du 6/8, de défendre le premier bilan du PM : « Ça avance. Et on comprend les attentes voire les impatiences. On est les premiers frustrés. D’autant que, pour la plupart, on est des néophytes. Mais il faut le temps de mettre l’administration en route. Sans parler des moyens. »
Dans les conseils d’école, si nombre de parents ont vu avec satisfaction les élus de la nouvelle majorité y participer, les réponses n’ont pas toujours été à la hauteur. En tête ? Cet élu dont on attend encore la visite des écoles de son secteur : « Écoutez, vu vos demandes, le plus simple, c’est de solliciter la métropole. Qui ça ? Martine Vassal, directement ! » Erreur de jeunesse ?
1. Malgré nos multiples et anticipées relances, ni Sophie Guérard ni Pierre Huguet n’ont répondu à nos demandes d’entretien.