Péri(l)scolaire en la demeure
La clim est à fond, la salle résonne et Laëtitia Alcaraz, responsable du secteur Bafa à la Ligue de l’enseignement 13, s’époumone dans le micro : « Il est formellement interdit de sortir vos téléphones portables, même pour regarder l’heure, sauf urgence bien sûr […] Les enfants comptent sur vous et nous aussi ! » Absentéisme, retards, comportement, en ce mercredi 28 août à Marseille, la responsable rappelle la conduite à tenir aux 200 animateurs de tous âges venus signer leurs contrats de travail et participer à un atelier de pré-rentrée périscolaire. Ce même mercredi, à son retour de congé, Mme G., directrice d’école maternelle du centre ville, envoie un mail paniqué aux parents d’élèves : elle « découvre avec inquiétude » que l’association qui gérait l’accueil périscolaire l’an dernier n’a pas été reconduite.
Depuis la fin des Tap (Temps d’activité périscolaire), la mairie en est au deuxième appel d’offre pour l’accueil et l’animation du périscolaire (garderie du matin, pause méridienne et garderie du soir) : 25 lots l’an dernier re-divisés en 33 cette année. L’attribution a été annoncée aux postulants fin juillet, en plein milieu des vacances scolaires. Devant l’école maternelle de Mme G., Synergie Family, qui a récupéré le marché, a placardé en A3 deux têtes de minots pour recruter urgemment des animateurs avec « CDI à la clef ». L’annonce vidéo postée sur leur page Facebook est un poil plus offensive… Et montre une jeune femme se dandinant, moue et clin d’œil complice qui semblent inviter les candidats à tout autre chose qu’à garder des braillards de cinq ans.
« Le moins-disant l’emporte »
La « start-up sociale », comme elle se définit, sort victorieuse de l’appel d’offre avec 13 lots. Contre zéro l’an dernier. Pour Franck Tortel, co directeur, ce revirement s’explique par « la présentation d’un projet plus étoffé ». La Ligue de l’enseignement lui emboîte le pas avec 12 lots dont certains dans les quartiers sud, mais perd La Solidarité (15ème), où elle était implantée depuis 2014. C’est Léo Lagrange qui la récupère et se partage le reste avec Les amis de Gylofère et le CCO (Centre de culture ouvrière) qui en acquiert deux nouveaux mais perd ses six lots de l’an dernier. Dont quatre récupérés en cours de route à l’ancien prestataire : l’Ifac (Institut de formation, d’animation et de conseil) qui n’aurait pas pu les mener à terme faute d’un « budget mal calculé ».
Les prestataires réembauchent souvent les animateurs déjà présents sur les lots. Mais parfois c’est plus compliqué… L’inspection du travail a exigé au nom de l’article L1224-1 le transfert des salariés et de leur contrat de travail des 4 anciens lots de l’Ifac (passé au CCO qui vient de les perdre) avant de revenir sur sa décision, ce qui laisserait actuellement une trentaine de salariés dans l’impasse, sans entité qui les reprend ni entité qui signe leurs papiers de sortie.
Depuis son redressement judiciaire, l’Ifac Provence (1), « caution sociale de droite » de la mairie pendant des années n’est plus du tout en odeur de sainteté. Aucun lot ne lui a été attribué. Comme si la ville signait sa mort lente… Rien non plus pour les Francas qui avaient postulé à deux lots. « On s’y attendait, souligne Christian Laujac, président départemental de l’association. Nous faisons face à une logique de marchandisation de l’éducation, avec des associations qui sont devenues presque des entreprises privées. C’est donc le moins-disant qui l’emporte. »
Le Mouvement des parents d’élèves (MPE13), ne s’y retrouve pas non plus. La présidente, Séverine Gil explique que si à force de pression la mairie a intégré le quotient familial aux formules tarifaires, « le paiement au forfait mis en place l’an dernier est beaucoup trop cher, pour une proposition qui reste finalement du collectif et de la garderie ». Sur quels critères la mairie a-t-elle décidé d’évincer certains pour en propulser d’autres ? Sur le sujet, Danièle Casanova, adjointe aux écoles, se montre peu prolixe : « On a choisi les meilleurs. »
1. L’Ifac Provence n’a pas souhaité répondre à nos questions.