Citoyens à tout prix !
« Ces projets nous sortent de notre zone de confort. C’est important de quitter le quartier pour aller aider les autres. » En quelques mots prononcés lors de la soirée du 10 février à l’Affranchi, ce jeune du centre social La Solidarité (15e arrondissement de Marseille) résume parfaitement les lignes que le programme Jeunes des deux rives tente de faire bouger. Depuis 2017, le Ravi suit les adolescents et jeunes adultes des centres sociaux et maisons pour tous gérés ou partenaires de la Ligue de l’enseignement des Bouches-du-Rhône engagés dans des projets de solidarité internationale J2R.
Mais voilà, 2020 est venu tout chambouler, la crise sanitaire a compliqué, voire empêché la mobilité d’une rive à l’autre. D’abord, à cause de la pandémie elle-même avec la fermeture des espaces aériens, aujourd’hui à cause de l’obligation vaccinale. Certains programmes se sont retrouvés reportés à l’infini, voire annulés. « Il a fallu rebondir pour garder la dynamique de groupe, explique Karim Touche, délégué général adjoint de la Ligue 13. On a utilisé les nouvelles technologies pour garder le lien avec l’autre rive, comme la visio. On a aussi mis en place des ateliers créatifs. Et sur la période d’été, on a proposé aux jeunes de partir en séjour en France avec des temps dédiés à leur projet initial », ajoute-t-il. Des temps de formation autour de la laïcité, de la mémoire, de l’identité ont été maintenus pour les encadrants bénévoles investis au Maroc et en Tunisie.
Trois fois annulés
Certains jeunes ont vu leurs programmes annulés deux, voire trois fois, certains se sont démotivés, d’autres sont devenus de jeunes adultes, partis vers d’autres projets personnels ou d’études. « Les décrochages sont à la marge. On a été surpris car la majorité est restée engagée, assure Chloé Bernard, responsable solidarité internationale et européenne à la Ligue. Les jeunes remotivent aussi les animateurs. Aujourd’hui, le contexte Covid est devenu un mode de vie. Les projets sont reportés à l’été 2022 et on espère que cette fois-ci sera la bonne ! » Pour exemples, les échanges entre le Maroc et L’Estaque (16ème) et Bompard (7ème) portent sur la question des discriminations sexistes et du handicap, celui de Saint-Joseph, sur les déchets, celui de La Solidarité sur la rénovation d’un espace jeunes. « Après tout ce temps d’attente, nos jeunes n’auront jamais été aussi bien préparés ! », ironise la jeune femme.
Lors du rassemblement national de février à l’Affranchi, une salle de musiques actuelles de Marseille, la sociologue Joëlle Bordet, qui suit le programme et les participants des deux rives depuis le début de l’aventure J2R, a souligné la capacité des jeunes à aller de l’avant : « Vous n’avez pas pu bouger physiquement mais vous avez bougé dans vos têtes. » En 2022, J2R s’est élargi à quatre nouvelles régions de France et à l’Algérie, avec une ouverture aussi sur le Liban. Pour Karim Touche, cinq ans après le début de la phase test, les jeunes sont aujourd’hui plus armés sur les notions de citoyenneté. « Ce que l’on a remarqué aussi, c’est le développement du travail entre nos différentes structures et entre les régions qui sont aussi dans le programme, comme ça se fait déjà sur l’autre rive fixé au départ. J2R a été fédérateur à ce niveau-là », souligne le délégué général adjoint.
Au Ravi, nous suivons J2R depuis cinq ans. Nous avons vu certains jeunes grandir, prendre de l’assurance et s’émanciper. Et cette année nous avons voulu aller plus loin en leur confiant la coréalisation de ce supplément. Nous les avons formés à quelques techniques journalistiques, ils ont réalisé des interviews, des reportages, des portraits. L’objectif n’était pas seulement de leur faire découvrir notre métier, mais de leur donner une possibilité supplémentaire d’aller vers l’autre, et de donner à lire leur propre vision des choses. Comme d’habitude, ils s’en sont sortis avec brio !
*J2R est un programme de Solidarité Laïque, soutenu par l’Agence française de développement, l’Agence nationale de la cohésion des territoires et la Fondation de France.
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