« Je ne prends pas les gens pour des veaux »
François Hollande, que vous avez soutenu, est très impopulaire. Il n’est pas à la hauteur des enjeux ?
Je ne m’attendais pas à ce qu’il réalise des miracles sur le plan social ou économique. Mais il y avait chez Sarkozy des choses qui ne tenaient plus pour l’originaire d’Afrique noire que je suis. Lorsque son gouvernement se réjouissait parce qu’on expulsait de plus en plus d’étrangers, je ne me retrouvais pas dans ce pays. C’est dans un sursaut républicain que j’ai effectivement souhaité l’élection de François Hollande pour restaurer la France dans ses valeurs originelles.
Comment expliquez-vous la radicalisation d’une partie de l’opinion ?
Les gens se camouflent moins, ils disent beaucoup plus ce qui, en d’autres périodes, aurait sans doute provoqué un scandale. Quant au vote extrémiste, je ne pense pas qu’il ait une nature biologique ou idéologique. C’est plutôt un vote de dépit, une nouveauté dans la vie politique française, qui amène, à Marseille notamment, un taux record d’abstention.
Vous vous présentez dans un secteur face au leader du Front national, crédité de très bons scores. Quel sens donner à ce choix ?
C’est ensemble que nous avons décidé où chacun pouvait le mieux rendre service à notre collectif. Le secteur des 13ème et 14ème arrondissements était sans doute l’endroit – pour beaucoup de raisons, le nombre de votants, l’abstention, la symbolique que vous évoquez – où je pouvais le mieux rendre mon action visible.
Dieudonné et Alain Soral jouissent d’une audience croissante dans les quartiers nord. Qu’est-ce que vous dites à ces gens-là ?
Tout ce que Dieudonné a dit n’est pas acceptable. Mais pourquoi est-il l’objet d’une sympathie dans les quartiers dits défavorisés ? Ces habitants se disent : « Quand nous autres arabes, noirs, sommes l’objet d’actes racistes, même les plus vils, il n’y a pas de lever de boucliers de la société. Et quand ce sont les juifs, tout de suite, tout le monde se lève. » C’est peut-être ce sentiment d’injustice qui explique mais qui ne justifie pas – entendons-nous bien ! – cette sympathie pour Dieudonné.
Pour vous, « les partis sont des camisoles de force ». Vous avez un discours très critique envers le personnel politique !
La politique, dans sa définition grecque, était la gestion de la cité et de l’intérêt de ses habitants. Toute démocratie vivante a besoin de partis, de mouvements syndicaux et associatifs forts. Je n’ai rien contre la politique. Cependant, l’idéologie a pour effet de phagocyter celui qui se livre à cela. Dans un parti, on peut être dans une camisole de force et suivre les mots d’ordre sans être pourtant d’accord.
Pourquoi vous méfiez-vous autant des programmes ?
Quelle a été la réalisation la plus importante dans la ville, cette année ? La rénovation du stade Vélodrome. Et elle n’était dans aucun programme ! Quand on vous présente un programme, vous ne le lisez pas. Alors je ne vais pas tomber dans ce piège-là. J’ai une autre démarche qui n’a rien à voir avec celle que vous avez l’habitude de voir ou de commenter.
Prenons un point précis par exemple, celui du poids du syndicat FO qui pratique la cogestion avec le maire UMP de Marseille. Faut-il changer cette gouvernance ?
Quand vous me parlez de FO, n’attendez pas de ma part une réaction du genre de celle de Claude Allègre qui, à propos de l’Education nationale, avait parlé d’un mammouth à dégraisser…
Vous semblez penser que la démarche, collective, et le casting importent plus que les promesses. Est-ce suffisant pour convaincre ?
On nous a taxé d’amateurisme. Oui, sans doute, c’est très vrai. Dans l’art de faire dans le clientélisme, de faire dans la corruption, de ciseler les petites phrases, de finaliser des accords entre petits copains, oui, nous sommes très inexpérimentés. Mais si vous prenez le CV des personnes qui m’entourent, tous, dans leur vie professionnelle, ont démontré leurs capacités.
Est-ce une approche plus anglo-saxonne qu’européenne ?
C’est une démarche qu’on voit souvent aux États-Unis mais aussi dans les pays nordiques où les gens ont d’abord démontré toute leur efficacité dans leur travail avant de rentrer dans l’action publique. Un des avantages, c’est que nous n’avons pas forcément besoin des subsides publics pour vivre…
Le Modem a finalement décidé de ne pas vous suivre…
Quel mot impropre ils ont utilisé en disant « rompre les négociations » avec nous ! Nous, nous n’avons rien à négocier ! A Christophe Madrolle, responsable politique marseillais du Modem (aujourd’hui rallié à Patrick Mennucci, NDLR), qui parlait de notre naïveté, j’ai rappelé que je travaille depuis l’âge de 18 ans, contrairement à beaucoup d’hommes politiques qui pensent avoir l’expérience de la vie active parce qu’ils sont simplement dans la politicaillerie.
Si vous ne pouvez pas vous maintenir au second tour, que direz-vous à vos électeurs ?
Je ne donnerai pas de consigne de vote car les voix ne m’appartiennent pas, ce sont celles d’électeurs que j’ai pour vocation de respecter. Car je ne prends pas les gens pour des veaux. Des questions seront posées de manière publique. Par exemple, est-ce que vous allez installer une bibliothèque à la Belle-de-Mai ? Et c’est sur la base des réponses qui y seront faites que les électeurs qui nous auront fait confiance pourront déterminer comment les autres candidats vont axer leur action.
Vous êtes toujours ami avec Bernard Tapie, le patron de La Provence, qui a toujours quelques difficultés avec la justice ?
Si je ne devais plus parler, dans cette ville, avec les gens qui ont maille à partir avec la police ou la justice, il vaudrait mieux que je reste chez moi ou je ne parlerais plus avec personne. De tous les présidents de l’OM que j’ai connus, peu se sont intéressés à la vie olympienne comme l’a fait Bernard Tapie. Lorsque j’étais président du club, périodiquement il m’appelait pour parler sur la manière de conduire l’OM, sur certaines affaires. Pour autant, je rappelle que lorsque la Tapie-mania a déferlé sur la ville, j’étais sans doute le seul journaliste qui s’opposait à ce que Tapie voulait, demandait et que je jugeais excessif.
Si le président de la République vous propose un poste au gouvernement lors d’un remaniement, vous l’accepteriez ?
La seule chose qui m’intéresse, c’est servir et non pas me servir de Marseille. Si demain, une action publique m’est proposée et que j’ai le sentiment profond que je peux concrètement apporter quelque chose, croyez-moi, peut-être que je dirai oui.
Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Hugo Verit