Des clubs sportifs pas très populaires
« Les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont deux fois moins nombreux à pratiquer un sport dans un club fédéral que les habitants hors des QPV », constate l’Agam, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise. Une situation due à de nombreux obstacles à la pratique sportive dans les quartiers populaires. Revue des quatre principaux éléments qui éloignent les habitants des clubs de sport.
Bien qu’une adhésion dans un club soit deux à trois fois moins chère qu’une salle de sport, le sportif doit tout de même mettre la main à la poche. Les difficultés économiques amènent parfois à des entraînements en dents de scie. « C’est plus dur de demander une cotisation à l’année complète. On fait donc au mois par mois. Mais avec ce système, on a des petits qui viennent pendant deux mois, mais qui ne reviennent pas pendant 6 mois », observe Romain Berton, encadrant bénévole du club de boxe « B.C. Saint-Louis » situé dans le quartier de la Cabucelle à Marseille (15ème arr.).
Trous dans la raquette urbaine
« 200 euros, cela reste quand même dur à sortir pour certaines familles, même s’il y a des facilités de paiement », confirme Thibault Cerboni du Comité olympique 13 (CDOS 13). Le département donnera bientôt une somme de 150 euros à chaque collégien, dont une partie pourra être utilisée pour payer leur licence ou la cotisation à un club sportif. Pour les 6-10 ans en revanche, l’aide de la ville de Marseille reste limitée à un financement de 25 euros pour l’achat de la première licence sportive. Un dispositif qui n’a bénéficié qu’à 700 enfants l’année dernière. Un faible résultat à mettre en regard des nombreuses formalités administratives pour toucher la petite somme.
Quand bien même certaines disciplines prennent en compte le facteur prix, les équipements de sport et les clubs ne suivent pas. « Nous dans le 15-16, on a deux terrains de tennis pour 225 licenciés. Cela nous pose problème », constate Marc Habadou, le président de l’association de tennis « Fête le mur ». Fondée par Yannick Noah en 1997, elle vise à démocratiser la pratique du tennis dans les quartiers populaires en proposant des tarifs attractifs. « On fait payer autour de 70 euros l’année en fournissant les raquettes, les balles, avec l’école de tennis comprise. Dans n’importe quel autre club, le prix serait quatre fois supérieur. Mais quasiment tous les jours de la semaine, nos terrains sont utilisés », expose le bénévole qui souhaiterait un développement des cours de tennis dans le quartier.
Ce manque d’infrastructures est loin d’être cantonné au tennis. « Tous les clubs de football à Marseille manquent de stades », estime Jean-Claude Cappello, le président du district de Provence de football. Malgré l’implication de la mairie dans la rénovation et la création de stades, cela reste une gageure pour l’ensemble des clubs de foot marseillais de trouver des créneaux d’entraînement sur les terrains municipaux. Une gestion encore plus problématique lorsque les rénovations de stades s’y ajoutent. Le club de football de Félix-Pyat (3ème arr.) en a fait les frais. Depuis la fermeture du stade à proximité en 2015 pour cause de rénovation, le club a dû délocaliser ses entraînements dans les 13ème et 14ème arrondissements. « On est passé de 280 licenciés en 2015 à 145 l’année d’après », explique Linda Christi, la coordinatrice du club de football.
« Les gens se découragent très vite dès lors qu’ils ne sont pas à un quart d’heure de marche ou de transport en commun. À Marseille, il y a un problème de manque de métro et d’infrastructures. Cela rend complexe le fait d’avoir une pratique structurée », analyse Alexandre Caribone, délégué départemental de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), dont 25 % des 16 000 adhérents estimés viennent des quartiers populaires.
Seulement 20 % de femmes
Les femmes restent encore sur le banc de touche dans les quartiers populaires. On compte une sportive pour quatre sportifs dans les quartiers populaires rappelle l’Agam, contre 30 % dans l’ensemble de la métropole. Comme le rappelle l’ouvrage Le sport fait mâle (2016, ed. Pug) de la sociologue Carine Guérandel, l’offre sportive des quartiers populaires cible principalement les garçons, tandis que les pratiques féminines sont moins valorisées. Une politique sportive à deux vitesses qui se lit très bien dans les aménagements dont l’usage reste masculin. Stades et autres terrains de foot représentent 31 % des aménagements sportifs dans les quartiers prioritaires de la métropole selon l’Aagam, loin devant les salles multi-sports (16 %) et les terrains de basket (8 %).
D’autant que l’absence de diversité des infrastructures sportives les touche en priorité. « Chez les femmes, 50 % des pratiquantes le sont dans une quinzaine de sports différents », note l’Agam. Les clubs omnisports proposant plusieurs disciplines captent un quart des femmes licenciées des quartiers populaires. Un taux qui n’est pas près de bouger tant l’accès à d’autres sports est compliqué. « Les grands clubs multisports de Marseille sont concentrés dans les quartiers Sud et il n’y a pas les mêmes géants associatifs dans les quartiers Nord », explique Alexandre Caribone. Reste le sport en autonomie, la course à pied ou à vélo par exemple, mais là encore, les freins pour les femmes sont nombreux.