Grande époque
Pas question ici de Jean-Luc Mélenchon mais d’un insoumis d’un tout autre acabit : Muhammad Ali. The Greatest, trois fois champion du monde des poids lourds qui volait comme un papillon et piquait comme l’abeille. La plus grande gueule de l’Amérique des sixties. Et c’est surtout cette époque charnière que la journaliste Judith Perrignon raconte dans ce livre tiré d’une série documentaire diffusée sur France Culture en 2018. Elle y livre de précieux témoignages, ceux d’amis d’enfance, de journalistes, d’écrivains ou des proches de Nation of Islam – mouvement nationaliste musulman à la limite de la secte, prônant un état uniquement noir sur les terres de l’Oncle Sam, auquel Ali était dévoué. Le récit s’attarde sur ses relations avec Malcolm X, un ami qu’il a finalement trahi. Portrait en creux d’un pays raciste : comment un noir avec une aussi belle gueule peut oser toutes ces frasques, se vanter d’être le plus grand, remettre en cause l’ordre établi au lieu de se soumettre tranquillement comme les autres ? Portrait aussi d’un immense champion bourré de contradictions, absorbé par la lumière et la célébrité. Tout cela en narrant ses exploits sur le ring (qu’on s’empresse d’aller voir sur Youtube), son combat contre la justice pour refus d’incorporation au Vietnam, sa reconquête du titre à Kinshasa et sa lente déchéance jusqu’à la maladie de Parkinson. Un grand livre reportage.
L’insoumis, par Judith Perrignon, éditions Grasset, 336 pages, 20,90 euros.