Moi, Sophie Tapie, fille de…
« Quand j’entends parler de malheur du monde / J’me sens parfois coupable d’exister / D’exister ici ou à 100 000 à la ronde / De faire la fête, de rire, de danser » (1) Un large chapeau noir de cowboy coiffant sa crinière blonde, accroupie devant un feu de camp, Sophie Tapie beugle la première strophe d’une de ses chansons country en martyrisant une guitare. Un retentissant « ta gueule ! » l’interrompt, lancé depuis une caravane. C’est Bernard, exaspéré. Il tente en vain de se concentrer, éclairé par une bougie, pour rédiger son « plan Tapie 2016 » afin d’interdire le chômage des jeunes destiné à endiguer la montée du FN. Le grand retour en politique de Nanard ! (2)…
« Je suis une fille du peuple, une bouseuse » (3) mais je n’aurais jamais cru qu’une aire d’accueil pour les gens du voyage, ce soit aussi inconfortable ! On est pourtant en Provence ! J’avais gardé un meilleur souvenir des soirées dans le jardin de tonton Eddie (Ndlr Barclay) à Saint Tropez… Et en plus j’ai oublié mon plaid en laine vierge dans ma coloc à Neuilly. Lorsque j’ai entendu papa, qui en a vu d’autres, dire « Ah, mais moi, je suis ruiné. Rui-né. Ruiné de chez ruiné. Plus rien. Tout va y passer. Tout ! » (4), je me suis dit que des vacances économiques au grand air lui feraient du bien. Tout le monde lui en veut tellement !
« Je suis toujours là en soutien moral quand il ne va pas bien. Il n’est pas du tout comme on se l’imagine. Il est easy. C’est le mec le plus simple de la terre. » (5) Elle reprend à tue-tête : « J’envoie en l’ai-ai-air / tous vos a priori / J’en ai plus rien à fai-ai-air ! / Je suivrai le chemin qui me plaît… » (6) J’y comprends rien à tout le bazar avec le Crédit Lyonnais mais pourquoi autant s’acharner sur papa ? « Escroquerie en bande organisée » ! Ils exagèrent ! La « bande », c’est quand même Nicolas Sarkozy, un ancien président de la République, Christine Lagarde, la présidente du FMI, Stéphane Richard, le PDG d’Orange… Et puis réclamer 404 millions, huit ans après les faits, c’est mesquin !
« Je suis une fille du peuple, une bouseuse »
Papa il a le sens de la famille. Il se démène pour qu’on ne saisisse pas – après notre avion, notre bateau, notre maison de Saint Tropez – notre hôtel particulier de la rue des Saints Pères à Paris qu’il a placé sous la protection d’une procédure de sauvegarde. Il s’inquiète pour moi aussi : « quand je vois que ma fille ne trouve pas une major pour enregistrer un disque ! Tapie c’est devenu une vraie injure ! » (4) Mon passage à The Voice, où j’ai été éliminée dès le premier prime, ne m’a pas ouvert des portes. Les journalistes – les jaloux – ont même accusé papa d’avoir fait pression sur TF1 pour qu’on me garde plus longtemps. J’ai dû m’exiler au Québec pour trouver une maison de disque. Showcase dans les Carrefour, les Leclerc, c’est vraiment pas facile ! Mais heureusement on se serre les coudes.
Stéphane, mon frère, est devenu le directeur des activités numériques du groupe La Provence dont mon père est l’actionnaire principal. Au moins j’ai droit à de belles interviews dès que je me produis dans la région, comme lors de mon passage à la foire de Marseille en 2015. J’adore cette ville où j’ai passé deux ans dans mon enfance. Le Vélodrome était mon terrain de jeu. « Les gens dans la rue étaient très affectueux, ils m’appelaient « la fille du boss » ou « la petite princesse ». J’aime l’énergie positive qu’il y a ici… » (7) Même quand papa a fait de la prison, les Marseillais ne l’ont pas lâché. Pour eux, « c’est à la vie à la mort. Si je bute un mec, j’ai quinze potes pour enterrer le corps ! A Paris, suffit d’une rumeur pour avoir 150 flics devant ta porte. » (3)
Maman est inquiète lorsqu’elle voit que papa veut revenir en politique. Elle a peur qu’il finisse à nouveau derrière les barreaux. Remarquez, il a changé. Même s’il se présente toujours comme l’homme de la situation face aux Le Pen, il pense maintenant que « tous les discours qui tentent de diaboliser le FN sont inefficaces et ne font que le renforcer » (8). Il dit que « quand tous les partis politiques actuels promettent aux électeurs l’apocalypse si le FN arrive au pouvoir, ils font une erreur. Car ceux qui votent FN n’ont pas peur de l’apocalypse » ! (2) Bon, moi, mon truc, c’est plutôt les chevaux. Je présente toujours sur Equidia une émission pédagogique pour que les cavaliers améliorent leur technique. Et puis mon autre passion c’est bien sûr la country !
Mais je suis aussi une artiste engagée ! J’ai composé une chanson après les attentats à Paris, le 13 novembre, que j’ai postée sur mon Facebook. Elle reprend sa guitare et chante à tue-tête : « Comme une prière / La grande dame de fer reste digne et droite et fière / Comme une mère, forte chevalière / Nous rappelle d’être unis face à l’enfer / Ces quatre pieds sont scellés dans le sol / Pourtant immobile elle nous console / Sa douleur elle ne sait pas l’exprimer / Mais son âme d’acier est ébranlée… » (9) Toujours dans sa caravane, à bout de nerfs, Bernard balance en l’air les brouillons de son projet pour « remettre en activité tous les jeunes ». Et lance, désespéré, à pleins poumons : « ta gueule ! »