Paru (pas) vendu

« Nous avons été surpris par l’engouement et l’appétence exceptionnels [du public], dès la réouverture des magasins après le confinement » explique Olivier Pennaneac’h, chargé d’économie à l’Agence régionale du livre (ARL). Bonne surprise, les libraires n’ont pas seulement retrouvé leurs habitués « mais aussi de nombreux nouveaux clients qui ont découvert la librairie pendant le confinement » témoigne Nadia Champesme directrice de L’Histoire de l’Œil à Marseille.
Les familiers des commandes en ligne se sont tournés vers les librairies locales. « Ils ont été un peu déçus pendant la crise par Amazon et d’autres grandes plateformes en ligne, explique Olivier Pennaneac’h. Et puis on a beaucoup entendu parler du “monde d’après” et du besoin de soutenir le commerce local. En juin les librairies de la région ont vu une augmentation de leur chiffre d’affaires entre 30 et 150 %. On ne s’y attendait pas du tout, on prévoyait un rattrapage en 2021. »
Et pour les éditeurs ? « C’est la catastrophe » résume dans un rire jaune Juliette Grégoire, fondatrice de L’Initiale, maison d’édition marseillaise. Certains de ses albums illustrés, censés paraître à la mi-mars 2020, « n’ont jamais quitté les étagères ». Selon l’ARL, 79 % des éditeurs ont dû reporter la parution d’au moins un titre de leur catalogue.
Après deux mois de fermeture, de nombreux libraires ont préféré privilégier les best-sellers au détriment des éditeurs indépendants. « Dans des situations de trésorerie délicates, il est plus facile de vendre ce que tout le monde vend, excuse Olivier Pennaneac’h. L‘économie du livre est en “domino inversé”, les éditeurs et les auteurs devraient voir les effets de la reprise lorsque les librairies auront pu reconstituer leur trésorerie. »
L’allongement des délais de livraison des distributeurs – « beaucoup trop longs » selon Juliette Grégoire – n’a rien arrangé. « Entre 10 jours et 5 semaines ! Certains ouvrages sont marqués comme indisponibles sur les sites internet alors qu’ils s’entassent chez nous. »
Mathilde Offroy, la gérante de la jeune librairie marseillaise L’Hydre aux milles têtes, s’enthousiasme du soutien qu’elle a reçu de ses clients. Elle écrira sa rentrée littéraire sous le signe de l’aide aux petits éditeurs. Elle les mettra « encore plus que ce qu’on fait déjà » en première de couverture.