Se délivrer du pire
Parfois ardus, érudits, irrigués de citations de Walter Benjamin, Michel Foucault, Donald W. Winnicott, les essais de Roland Gori réussissent pourtant la prouesse de rendre accessibles des concepts complexes au carrefour de la psychanalyse, de l’histoire et de la philosophie. Son dernier ouvrage, que le psychanalyste et professeur honoraire de psychopathologie à Aix-Marseille Université a terminé lors du confinement, interroge un « spectre hantant le monde : l’effondrement qui vient« . Sans nier les crises sanitaires, climatiques et sociales, il démontre que la crainte d’une catastrophe planétaire repose sur un autre « effondrement » ayant déjà eu lieu : celui de notre façon de penser le monde. L’initiateur de « L’Appel des appels », qui fustigeait en 2008 « l’idéologie de l’homme économique détruisant au nom des lois naturelles du marché tout ce qui tisse le lien social » incite à penser le futur en se débarrassant des « illusions zombies » des croyances du XIXe siècle, celles en un progrès mécanique et continu. Il alerte sur le « potentiel fasciste originaire » de nos sociétés libérales du management. Et Roland Gori d’inviter à nous libérer, en cessant de le refouler, de « ce passé néfaste poussé à s’actualiser dans le présent » pour faire naître de nouvelles utopies.
Et si l’effondrement avait déjà eu lieu ?, « L’étrange défaite de nos croyances », par Roland Gori, éditions Les liens qui libèrent, 2020, 304 pages, 20 euros.