Marseille Comedy Club !
Une remorque de voiture, un micro et un tabouret pour seul décor. Devant un public hilare et beaucoup trop surexcité, Julien, Thibault, Helmy, se succèdent au Garage Comedy Club, sur le cours Julien. Dans de courts sketchs, ils déclenchent rires et bides. « C’est un challenge. Et ma thérapie ! », rigole Julien, stressé de monter sur scène. Ici, le maître-mot est bienveillance envers les artistes. « Si c’est pas drôle, rigolez un peu quand même », s’amuse le maître de cérémonie. Bienveillance dans l’humour aussi. Exit les insultes au public, l’humour raciste, sexiste, homophobe…
Le Garage Comedy Club est né de deux jeunes artistes : Quentin Friburger, 28 ans, et Sébastien Méi, 31 ans. En 2018, ils s’inscrivent en cours de stand-up. Puis les deux compères veulent prendre leur envol et se heurtent à un mur : le manque de scènes de stand-up à Marseille. Qu’à cela ne tienne, après un financement participatif, ils ouvrent leur propre lieu, par et pour les stand-uppers, en août 2021.
Politiquement correct
Pourtant, il y avait bien l’espace Kev Adams depuis 2014 sur le Vieux-Port. La salle porte le nom de son parrain, star de l’humour… selon le point de vue. Il a été fondé par Michel Nouader, producteur installé dans le show biz. « Il n’y avait pas de Comedy club à Marseille, zéro. Comment faisait un jeune pour tester son texte ? », s’est demandé Nouader. Sièges rouges, rideaux encadrant la scène, ambiance tamisée éclairée d’une lumière colorée et tournoyante… L’espace Kev Adams est un croisement entre un café-théâtre et une boite de nuit.
Depuis son ouverture, le lieu propose des scènes ouvertes hebdomadaires de stand-up. Ici, pas de ligne éditoriale. « La transgression c’est ce qu’on demande à l’humoriste. Sinon tout le monde ferme sa gueule et fait du politiquement correct. Mais si un sketch est purement raciste ou misogyne, on sortira l’artiste », tranche le gérant. L’espace Kev Adams se partage dorénavant le stand-up marseillais avec deux lieux du centre-ville : le Garage et l’Art Dû. « Je trouve ça très bien, ça crée une émulation », affirme Michel Nouader. Ne craint-il pas de se faire ringardiser par une nouvelle génération ? « A jamais les premiers ! », s’exclame l’ex-producteur, qui veut lancer une « école du stand-up » à Marseille.
L’espace Kev Adams avait déjà accueilli un laboratoire : le Factory comedy club, mené par Briac. Après deux ans, l’artiste claque la porte de l’espace Kev Adams, après des désaccords internes. Depuis, il s’est attaché à donner des cours de stand-up, et à conseiller les élèves de ses élèves, avant de se recentrer sur son propre spectacle. « Ici, les artistes sont tous issus de Briac », résume Sébastien Méi du Garage, où des cours ont lieu toutes les semaines. A l’Art Dû, le professeur de stand-up, Bedou, a lui-même été élève de Briac. « Il est très axé stand-up américain. Il nous disait d’éviter de faire des accents, certains mots, certains stéréotypes… », explique Sébastien. Car les cours de stand-up, ce n’est pas très marrant. « C’est beaucoup de conversationnel, on est dans la recherche de l’efficacité du texte, avec une partie théorique. Les élèves viennent tester leurs sketchs et je leur fais des retours », explique Bedou. Les cours sont aussi l’occasion de créer un vivier d’humoristes. Avec pour objectif final : faire vivre une scène locale.
Payés au chapeau
Et c’est Briac qui en a posé les règles « éthiques » : « On paye les gens, on fait attention à la place des femmes », résume-t-il. Pour l’instant, au Garage et à l’Art Dû, les humoristes des scènes ouvertes sont payés « au chapeau ». Les spectateurs entrent gratuitement et payent une somme libre à la sortie, répartie entre les artistes. Mais le chemin est encore difficile pour vivre du stand-up. « Ça fait huit ans que je fais ça, j’ai fait de la télé, beaucoup d’efforts et je n’ai pas de notoriété. L’insuccès, c’est un questionnement permanent », résume Briac. « Notre prochaine étape c’est de rémunérer nos artistes en cachets pour créer des statuts d’intermittents », explique Bedou. Car pour faire rire, autant ne pas être un clown triste plombé par la précarité. « Je suis persuadé que c’est le groupe qui va faire qu’on monte tous ensemble », s’accorde Sébastien, qui voit émerger un humour marseillais, loin du diptyque Tinder/Métro parisien.
Ce soir-là au Garage, Helmy fait rire à l’idée d’un Allah couvert de tatouages. On se délecte d’un récit de vacances avec un ex, et l’ex de l’ex. Du bout des lèvres, un peu choqué, on rit de l’humour noir de Dudley, ex-témoin de Jéhovah, sur les abus sexuels dans cette secte. Julien prend son temps et joue de son bégaiement. Sabrina la survoltée parle du Maroc, pays de sa grand-mère, où les gens « trop mignons » font un bisou sur le pain… et torturent les personnes homosexuelles. Seul couac de la soirée, un maladroit « ta gueule » lancé par un stand-upper à Amélie, dans le public, lors d’un sketch sur… les rapports hommes-femmes. « C’est dommage », confie-t-elle, même si elle compte revenir, séduite par le maître de cérémonie et d’autres humoristes. « J’aime le stand-up, je cherche de l’humour intelligent », explique la psychologue de 37 ans. Plutôt jeune, blanc et de centre-ville, le public est conquis. Le stand-up, nouvelle sortie à la mode à Marseille ?