Dieu lui-même cuisine

février 2022 | PAR Pierrick de Salvert

Je voudrais vous parler d’un livre. De ce livre qui est tombé dans mes mains l’autre jour, alors que mes yeux parcouraient distraitement et sans trop y croire une de ces bibliothèques de rue. Vous savez ces étagères de bouquins gratuits qui ont fleuri partout, parfois, on tombe sur une perle, alors ça vaut le coup de s’attarder, juste pour voir si le miracle se produit. Et là, paf ! Le miracle.

C’est un livre de photos, c’est plein d’hindous assis par terre, je ne comprends pas tout de suite ce qu’ils fabriquent, puis je suis presque sûr que tout ce monde est en train de faire la cuisine. Il y a une photo d’un type debout à l’intérieur d’une gamelle de mille litres, en train de laver les parois. Enfin je tombe sur ces chiffres. Consommation quotidienne de la cantine : 5000 kg de blé, 1800 kg de lentilles, 2000 kg de riz, 7000 litres de lait, 100 bouteilles de gaz… Une cantine qui sert 100 000 repas par jour, voilà qui me perd totalement… Pendant un bon moment je suis là, le nez en l’air, le livre à la main, à essayer de contenir un truc pareil dans mon imagination.

En fait je l’avoue, c’est d’abord ce côté Guiness book qui me fascine et puis je tombe sur cette photo, c’est une immense banderole sur la route « FREE KITCHEN ». Dans cette inconcevable cantine, l’ingrédient principal est le sevaa, le service volontaire, ici tout le monde cuisine et tout le monde est accueilli, toutes religions confondues. Nous sommes au temple d’Amristar, au nord de l’Inde, au pays des sikhs, et la tradition de cette branche de l’hindouisme est que tout le monde cuisine pour tout le monde, c’est la clé pour atteindre une place d’honneur dans la cour du Seigneur. C’est une organisation difficile à concevoir pour un cuisinier occidental : il n’y a pas d’autorité, les recettes sont simples, le cadre sanitaire est strict et il n’est pas possible de le contourner. L’ambiance de travail est d’un calme absolument fou. Ils se mettent à deux cents pour écosser des petits pois ou faire la vaisselle. Pas de chef en train de suer sang et eau en engueulant tout le monde, personne qui se fait mal, les gens cuisinent comme s’ils étaient en train de prier, et en fait c’est exactement ce qu’ils font.

Tout dans cet acte de cuisiner tous, pour tout le monde, est essentiel. Car si il y a bien un truc qu’on a tous besoin de faire et qui est loin d’être une évidence pour tant d’entre nous, c’est manger un repas chaud tous les jours. C’est une condition universelle de l’humain. Et nous pourrons toujours nous faire mousser en postant des vidéos sur Youtube de nos « saucisses-en-canapé-et-son-espuma-de-salsifis-en-gelée-à-la-Van-Gogh », ce n’est pas comme ça qu’on a une chance d’arriver à la cheville de ces gens-là.

Alors oui, une vraie cantine végétarienne, pour que tout le monde puisse manger, oui des ustensiles de cuisine simples et des recettes à la portée de tous, oui des outils de production mutualisés pour limiter les déchets, limiter la consommation d’énergie, maîtriser les filières. Il faut retrouver l’évidence de la cuisine collective.

Dieu lui-même cuisine

Il place lui-même la nourriture sur l’assiette

Lui-même il mange

Lui-même est l’eau

Lui-même est le cure-dent

Une seule recette dans ce bouquin, et c’est pour rendre hommage à ses auteurs que je vous la livre. Sans compter que vous tenez là la recette de base de toute cantine collective qui se respecte. Et probablement un des menus les plus sains et les moins chers au monde.

Himself he cooks est un livre de photos et un très beau film que vous pouvez vous procurer chez Polymorfilms.be. Auteurs : Valérie Berteau et Philippe Witjes. Merci à eux pour cette chronique culinaire tombée du rayonnage !

 

 

 

 

Daal pour 20 personnes

– 2 kg de riz

– 1 kg de lentilles

– Cumin, coriandre, fenouil (en grains)

– Sel, ail, gingembre

– Huile ou ghee (beurre clarifié)

– Légumes au choix : chou-fleur, aubergines, courgettes, épinards, potiron…

– Herbes fraîches (menthe, coriandre persil)

– 2 concombres

– 1 litre de yaourt

Tremper les lentilles la veille ou rincer le jour même selon la taille du grain.

Mettre 4 litres d’eau et les lentilles à cuire. Couvrir. A l’ébullition baisser le feu.

Préparer la sauce du daal en faisant dorer les graines, le gingembre et l’ail dans l’huile ou le ghee pendant 5 minutes.

Éplucher les légumes, les détailler en petits cubes et les faire cuire dans une casserole large à la vapeur ou sautés. Réserver.

Laver le riz et le mettre dans une fois et demi son volume d’eau froide. Porter à ébullition, en mettant un petit coup de cuiller à soupe au fond de la casserole de temps en temps. Dès que ça bout couvrir et laisser cuire à feu très doux sans ouvrir ni remuer pendant 20 minutes.

Quant les lentilles sont cuites, enlever un peu d’eau de cuisson si nécessaire et mélanger avec les épices sautées et les légumes, saler à votre convenance.

Hacher des herbes fraîches. Couper les deux concombres. Mélanger au yaourt, Saler.

Régalez-vous !