Small is beautiful
Le désordre est un art. Celui, pour un brasseur, de savoir stopper au bon moment une fermentation. Celui aussi, pour Lionel Da Costa, de faire entrer tout son matériel dans le garage familial. Bienvenue à Entropy brews, la plus petite brasserie professionnelle de Marseille. « Une ou deux fois par mois, je fais venir des sacs de grains, je déploie mes cuves. Je mets du reggae, c’est important ! Je sors mon fourquet, la grande pelle percée en bois, et je brasse… »
Nous sommes à Endoume. L’adresse restera secrète. Un parfum de mystère qui donne une saveur supplémentaire à des brassins éphémères. Le premier métier de Lionel est développeur web. leravi.org, c’est lui. Et en toute logique, pour la bière, il a aussi une approche « geek ». « J’analyse tout et je suis très maniaque. Même si avec mes spécialités au CBD je cherche à réconcilier le monde des fumeurs de bédo et des amateurs de bières, je contrôle jusqu’aux paramètres alchimiques de l’eau. »
Les coulisses d’Entropy brews ont un aspect rétro-futuriste. Un hop gun, un pistolet à houblon, un spoutnik de fermentation, une cuve de cuisson côtoient des frigos de récupération savamment bricolés. « Au moment d’acheter quelque chose, je me demande toujours s’il n’est pas plutôt possible de le fabriquer. Ici, il y a du jus de cerveau ! » Dans un coin : une tireuse portative « fait main » conçue pour fonctionner sans électricité…
Côté saveurs, ça brasse à plein aussi. Les bières de Lionel sont à son image : celle d’un Marseillais ancré dans son quartier mais qui a vécu six ans en Angleterre et assume « une culture inspirée à 100 % des bières anglo-saxonnes ». Concrètement, si 90 % des graines d’Entropy viennent de la vallée du Rhône, le houblon et le malt sont importés de destinations « les plus loufoques »… Le tout mélangé dans l’eau, calcaire et dure, de la Durance, « le terroir de la bière ».
« Je brouille les pistes, s’amuse Lionel Da Costa, qui a produit son premier brassin en octobre 2019. J’ai envie de marier les mondes entre l’approche traditionnelle des bières artisanales et les recettes craft, plus barrées, celles qui plaisent aux hipsters. » A 42 ans, il voudrait concilier à 50/50 ses deux métiers. Artisan dans l’âme, il expérimente des modes de distribution alternatifs en circuit ultra-court. « J’ai une licence pour vendre en vrac. Mes voisins viennent tirer leur bière avec une bouteille. Zéro déchet ! » Si un jour vous êtes perdus dans les rues escarpées d’Endoume, avec un peu de chance…