À Eyguières, un sacré festival !

Pour les festivals, notre région est une vraie terre d’élection. À côté de Salon-de-Provence, la ville d’Eyguières en est une à elle toute seule ! On ne parle pas que de la vie politique chez le maire (DVD) Henri Pons. Il y a vingt ans naît le « Festival des Alpilles ». « L’envie ? Mettre en avant les musiques de la terre, ancrées dans un terroir. Comme le blues, la country, les musiques du monde », explique son président Vincent Bertomeu. Un festival « intercommunal » soutenu par les villes qui l’accueillent (Lamanon, Tarascon…) ainsi que la Région et le Département.
Sauf que, parmi les fondateurs, il y a Joël Sylvestre, prédécesseur (sans étiquette) de Pons. Les deux sont loin de s’entendre. En 2015, Pons est élu au conseil général. Peu après, le festival perd la subvention du département, la colistière de Pons expliquant à la presse qu’on n’a pas à soutenir un « organisateur de spectacles payants ». Le festival n’y survivra pas.
Mais, en 2018, surgit leS « festivals d’Eyguières ». À l’origine ? D’après Facebook, le maire et l’acteur Gérard Darmon. Qui dit cet été à La Provence : «Je ne connaissais pas Eyguières. Mes amis de Provence Riviera avaient des contacts avec la mairie et ils cherchaient un parrain. » Le sens de la formule, on l’a ou on l’a pas !
Mage du showbiz
C’est Provence Riviera International Events, une société née en 2016 à Six-Fours qui organise la manifestation. Sa gérante ? Carine Garnero, communicante multicarte ayant officié à la mairie de Six-Fours, de Sanary… Et compagne de Nathaniel Garnero, ancien rugbyman et patron de bar, qui s’est retrouvé au tribunal aux côtés de deux frères de Ferrara – le « roi de l’évasion » – dans une affaire de trafic de drogue avant d’être relaxé. Parmi les actionnaires ? Jean Testanière, le « mage du showbiz », une figure du Cercle Wagram (géré par le gang de la Brise de mer) qui a défrayé la chronique avec un emploi fictif chez les Balkany.
« Vous voulez savoir si les conneries d’il y a dix ans qu’on trouve sur internet nous handicapent ? Pas du tout », assure Carine Garnero. Qui s’enorgueillit de connaître « pas mal de monde ». Dont acte sur le site de sa société. En photo : Isabelle Adjani, Patrick Bruel, Enrico Macias, Bernard Tapie mais aussi Rachida Dati ou le futur ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. Celui qui a plaidé au procès du Cercle Wagram se produira à Eyguières avec son one-man-show – « À la barre » – pour la 2e édition du festival en 2019, aux côtés d’Iam, Nekfeu…
Pour cela, dans le cadre d’un « marché sans publicité ni mise en concurrence », Pons octroie « 60 100 euros » à Provence Riviera International Events pour la « prestation de l’artiste Éric Dupond-Moretti » (1). Une décision du 24 juillet 2019, alors que le spectacle a eu lieu trois jours avant. Carine Garnero s’agace : « Dans les 60 000 euros, il y a le cachet de l’artiste, mais aussi la technique, le catering… Et si c’est intervenu après la prestation, c’est parce qu’il a accepté de remplacer au pied levé Richard Berry qui était prévu à la base avant de se fâcher avec Gérard Darmon. »
Comptes confidentiels
Sur les conditions financières, pas facile d’y voir clair : les comptes de la société sont confidentiels, Carine Garnero esquive nos questions et impossible, dixit l’opposition, d’obtenir de la mairie la moindre précision (2). « On a juste appris lors du dernier conseil que Darmon aurait touché cet été 12 000 euros pour trois jours de festival », soupire l’opposante Audrey Touron. Qui relève à la ligne « Fêtes & Cérémonies » en 2019, plus d’un million d’euros de dépenses contre 98 000 en 2020 : « 900 000 euros de différence ! Eyguières, c’est 7 000 habitants ! » Le tout avec le soutien affiché de la Région mais aussi du Département et de la Métropole, deux institutions où émarge Pons.
De quoi faire bondir Bertomeu : « Notre festival avait une vraie ligne éditoriale et des billets à 15 euros. Là, avec des places à 30 euros, on est entre le comité des fêtes et des vedettes “vues à la TV”. Il n’y a aucune cohérence. Le pire, c’est d’appeler ça “Festival des Alpilles” ! Or, le festival des Alpilles, c’est nous ! »
Édition annulée
En coulisses, ça ferraille sec. D’abord sur le net. D’un côté, le site originel : festivaldesalpilles.fr. De l’autre, celui lancé peu après par la mairie : lefestivaldesalpilles.fr ! Un bras de fer qui se joue aussi auprès de l’Institut national de la propriété industrielle. Bertomeu a déposé la marque « Festival des Alpilles » le 18 juin, la mairie, elle, « Le festival des Alpilles » le 1er juillet. Et Provence Riviera de déposer en septembre la marque… « Alpilles Festival » !
Pour Garnero, il n’y a pas de confusion entre la manifestation qu’elle organise et ce qu’il y avait avant : « Un festival à Eyguières ?! Quel festival ? Moi je ne fais pas dans les machines à bulles ou les costumes provençaux. On a contribué au concert des Stones au Vélodrome ! On n’est pas dans le même registre. » Mais pas sûr qu’elle officie à nouveau à Eyguières : « Pour raison sanitaire, l’édition 2020 a été annulée. Et, pour les mêmes raisons, fortement réduite en 2021. Tout cela a un coût. Et nous, on prépare déjà 2022-2023. Or, on a déjà des sollicitations d’autres villes des Alpilles. »
Les fondateurs de la manifestation originelle, eux, promettent de la faire renaître de ses cendres l’an prochain. Et, si besoin, d’attaquer la mairie en justice. Pons a l’habitude : son projet de refonte de l’aérodrome (cf le Ravi n°190) vient de connaître une nouvelle déconvenue judiciaire, l’acquéreur de l’ancienne gendarmerie s’est rétracté suite à une procédure… L’édile aurait même troqué sa Directrice générale des services pour un avocat en guise de « collaborateur de cabinet ». Non, il ne s’agit pas de Dupond-Moretti !
1. Le ministre de la Justice n’a pas répondu aux sollicitations du Ravi…
2. … la mairie d’Eyguières non plus.