Muselier, des caméras et des planches
Élu dans la roue de Christian Estrosi et grâce au soutien de la gauche, Renaud Muselier avait promis de redresser et rassembler la région Paca-ici-c’est-le-Sud. Six ans après, et avec un RN à 40 % d’intentions de vote, où en est-on ?? Revue de détail des compétences obligatoires du Conseil régional, et de celles totalement optionnelles mais absolument indispensables en période électorale.
LYCÉES
Promesses tenues : 50 %
Compatibilité avec le RN : inconnue
La gauche attaque le sortant LR en l’accusant de n’avoir « construit aucun lycée sur sa mandature ». De fait, si deux nouveaux bahuts ont été inaugurés sous Muselier à Châteaurenard et Allauch (Bouches-du-Rhône), le premier a été voté et le second initié par la majorité du socialiste Michel Vauzelle. Dans les autres départements, plusieurs rénovations de lycées sont à inscrire à l’actif du « fils de Provence ». En meeting, le candidat LR soutenu par la REM annonce un plan « 100% de lycées rénovés » pour 2027. Une façon d’admettre en creux que cet objectif n’a pas encore été atteint. Sur le mandat, la droite régionale n’a pas mené de politique de grands travaux à l’échelle de chacun des 183 lycées du territoire, sans atteindre toutefois le laisser-aller total de la droite marseillaise dans ses écoles primaires.
La grande affaire du mandat Muselier dans l’éducation est ailleurs : l’équipement de tous les lycéens de la région en tablettes numériques. Plus de 300 000 tablettes fournies aux ados, pour alléger leurs cartables grâce aux livres numériques. Dans un premier temps, l’initiative a été assez contestée par les profs et les parents d’élèves : les tablettes n’étant pas verrouillées, les élèves peuvent y installer toutes les applis qu’ils veulent, notamment de jeux et de réseaux sociaux. Pas idéal pour se concentrer en cours. Mais, pendant les dix-huit mois de confinement-reconfinement-cours en distanciel, la mesure a donné plus de moyens pour lutter contre la fracture numérique et le décrochage scolaire.
TRANSPORTS
Promesses tenues : 25%
Compatibilité avec le RN : 75%
Pour motiver les électeurs de gauche à voter pour eux, Estrosi et Muselier s’étaient engagés à conserver la carte de transports « Zou » qui ouvre à des réductions incitatives sur les billets de TER et de bus régionaux. Souci : pour les étudiants, collégiens et lycéens, la droite a fait flamber le prix de la carte de… 700 % ! En contrepartie, elle ouvre désormais un accès illimité à tous les trains et bus. Mais encore faut-il que les transports en commun régionaux soient attractifs… Et sur ce point, le bilan des deux francs-tireurs de LR est mitigé. Muselier se vante d’avoir renégocié le contrat des TER avec la SNCF et fait entrer la région « dans le top 3 national, avec moins de 2 % des trains annulés et 90 % des trains à l’heure ». Mais l’UFC Que Choisir et la Fédération nationale des usagers des transports voient la situation d’un autre œil. S’appuyant sur les statistiques 2020 de l’Autorité de régulation des transports, ils placent Paca en quasi lanterne rouge, à l’avant-dernière place derrière l’Occitanie, avec seulement « 76 % des trains ayant circulé et étant arrivés avec moins de cinq minutes de retard en 2019 ». Une contre-performance qui n’est pas due qu’à la mandature LR : depuis plus de trente ans, Paca souffre d’un sous-investissement chronique dans son réseau ferré de proximité, autant de la part de la région que de l’État. Mais pas de panique, Muzo a la solution : l’ouverture des lignes TER aux opérateurs privés ! Lancés fin 2019, les appels d’offres concernent les lignes Marseille-Toulon-Nice, Nice-Tende et l’agglomération niçoise. Une dizaine de groupes français et étrangers seraient sur les rangs, dont plusieurs filiales d’opérateurs publics. Sera-ce efficace ? Il ne s’agit en tous cas « que » d’une anticipation du calendrier européen : volontaires ou non, l’État et les régions seront obligées d’ouvrir le rail à la concurrence à partir de 2023.
CULTURE
Promesses tenues : 75 %
Compatibilité avec le RN : 25 %
Sur cette compétence optionnelle mais hautement symbolique dans une terre de festivals, Muselier et Estrosi ont réussi un coup : se faire adouber par (presque) tous les dirigeants d’institutions culturelles de Paca. Dans une tribune publiée en avril, 67 de ces figures des planches louent un budget « augmenté de 30 % en six ans, avec une attention portée à tous les secteurs ». Un texte pas tout à fait innocent puisqu’il a été, comme l’a révélé le Ravi, porté par le conseiller culture de Muselier lui-même, qui en a assuré la retape auprès des potentiels signataires. De là à imaginer une assurance-subventions pour l’avenir, il n’y a qu’un pas que franchissent plusieurs mauvais esprits de gauche. Les mêmes critiquent un budget « identique, en euros constants, à celui de 2016 », l’indifférence de la majorité sortante pour l’éducation populaire et les petits acteurs culturels. Mais ils reconnaissent aussi que Muselier n’a pas suivi dans ses délires « d’enracinement culturel et d’amour de la France » une partie de la droite de la métropole Aix-Marseille. Autre réussite : être parvenu à trouver une utilité à la Villa Méditerranée, bâtiment pharaonique construit par le président de la région Michel Vauzelle (PS) quasi à l’abandon depuis 2014. A l’été 2022, le bâtiment devrait accueillir la réplique de la grotte Cosquer, devenant un lieu culturel d’envergure mondiale.
SECURITE
Promesses tenues : 75 %
Compatibilité avec le RN : 100 %
Ils a-do-rent les caméras. Muselier et Estrosi ont voulu en mettre, et en ont mis, partout. Dans les trains, dans les gares, dans les lycées, et même à leurs abords avec un système de reconnaissance faciale, heureusement interdit in extremis par la justice. Big brothers are watching us, sus à la délinquance ! Et pour les « islamistes », « pas un centime d’argent public, grâce au criblage total de toutes les associations déposant une demande de subvention ». Formation à la « détection de signaux faibles de radicalisation » pour les 6 000 agents de la région et les 160 médiateurs de la « garde régionale » des lycées, charte de la laïcité à signer pour demander une subvention… Faudrait pas oublier qu’avant de devenir un « résistant » entre les deux tours en 2015, Christian Estrosi dénonçait la « cinquième colonne islamiste » en France. Des propos que Muselier, qui ne cesse de clamer son rejet de l’extrême-droite, n’avait à l’époque pas vigoureusement réfutés.