Super bug
Et de trois. Enki Bilal déploie au compte-gouttes sa monumentale pentalogie. Celles et ceux qui prennent le train en marche avec ce troisième tome risquent d’être un peu secoués. Alors rembobinons.
L’action se déroule dans un futur proche, en 2041. Le monde y est comme aujourd’hui mais en pire, chaotique, soumis aux dérives autocratiques, financières, technologiques, fragmenté entre communautés politiques ou religieuses. Et voilà que l’humanité – « augmentée » pour ceux qui en ont les moyens – est frappée par un bug planétaire : tout ce qui relève du numérique est effacé, paralysé. Au même moment, un « insecte » (« bug » en anglais) extra-terrestre pénètre le corps d’un astronaute, Kameron Obb, qui accède à toute la mémoire informatique. Son corps bleuit peu à peu et il devient l’homme le plus recherché au monde !
Bilal a réussi la prouesse de devenir de son vivant un classique de la BD francophone. Sa nouvelle série, dont il ignore encore la conclusion, est à la hauteur de sa trilogie Nikopol ou de sa tétralogie du Monstre. De Paris à la Sibérie, de la Libye à Marseille, on y suit avec plaisir les mésaventures de son anti-héros, jusqu’ici surtout encombré par ses super-pouvoirs. L’image d’Obb, drapé dans une improbable fourrure rose à tâche verte avec des oreilles de lapin, déambulant dans le palais d’une ambitieuse tsarine, illustre les salutaires échappées satiriques qui oxygènent un récit résolument dystopique.
Bug, d’Enki Bilal, éditions Casterman, 80 pages, 18 euros.