Le Printemps reviendra-t-il en mars ?
Certes, Rubirola, la maire écolo, n’est plus là, remplacée au perchoir par son premier adjoint PS Benoît Payan. Mais, le 6 octobre, conseil de rentrée XXL et baptême du feu pour le Printemps marseillais. Derrière les ténors, la « société civile » réussit à se distinguer. Notamment la directrice d’école Sophie Guérard, adjointe en charge de «la place des enfants », et Pierre-Marie Ganozzi, responsable du « plan école », qui remercient… la droite ! « Sans votre mépris, lance le prof d’histoire, jamais je ne me serais engagé ! »
De quoi presque faire oublier les logiques d’appareil des sénatoriales. Le trio de tête victorieux de la gauche unie (PCF, PS, EELV) dans les Bouches-du-Rhône a noté la petite centaine de bulletins nuls qui lui ont fait défaut : « Quand vous voyez les premiers noms rayés sur les bulletins, le message est assez clair », dit-on dans l’entourage du trio. Alors, est-ce que les départementales et régionales, prévues (sauf report) en mars, vont être l’occasion de renouveler l’expérience du Printemps marseillais ? [Cet article, rédigé fin octobre, et publié dans le Ravi n°189 daté novembre, a été écrit avant la décision du gouvernement de reporter les élections locales en juin 2021].
Un label disputé
Dans la région, le PS milite pour un « nouveau Printemps du Sud ». Et Nora Mebarek, première secrétaire fédérale dans le « 13 », parle carrément de « Printemps départemental » et « régional » ! Avant de préciser : « Le Printemps, c’est un label qui a rassemblé la gauche et les collectifs citoyens ! Même si, des citoyens qui s’engagent, ça existe depuis longtemps… Mais, pour démarrer une histoire commune, il faut se rassembler. Il faudrait déjà le faire à la métropole. Et, aux régionales, on doit d’autant plus être uni qu’on repart de zéro. Depuis cinq ans, on est absent de l’hémicycle. L’ambition, c’est déjà de retrouver les bancs du conseil régional. » Même prudence côté départements : « Parler de Printemps dans le Var ou le “06”, ça n’a pas grand sens. On est en reconquête. Mais on peut en profiter pour renouveler les pratiques ! »
Pas simple car les autres partis avancent leurs pions. Comme EELV avec son « appel pour des régions écologiques, citoyennes et solidaires ». Mais pour le secrétaire régional et néo-sénateur Guy Benarroche, les discussions doivent d’abord démarrer entre « formations écologiques » avant de s’élargir. L’expérience marseillaise est-elle reproductible ? « Si ça veut dire constituer des listes de rassemblement ouvertes aux citoyens, oui. Mais ça n’implique pas de se rassembler dès le premier tour. N’oublions pas qu’à Marseille, il y a eu 2 listes, présentant chacune des citoyens… » Sans attendre, EELV a rendu public son binôme pour les régionales, Brigitte Aphotéloz, ex-élue à Gardanne et le géographe activiste Olivier Dubuquoy.
Ceux qui ont dégainé le plus tôt, ce sont les Insoumis avec, début octobre, une campagne en visioconférence et, en vedette, le député marseillais Jean-Luc Mélenchon et la députée européenne – varoise –Manon Aubry. Le but ? D’après la toulonnaise Laura Golygowski, la référente LFI en Paca pour ces élections, constituer une « fédération populaire » afin de « rassembler la société civile, les militants associatifs, les syndicalistes autour de notre base programmatique ». Mais si des « assemblées cantonales » sont prévues pour désigner les candidats Insoumis, avec les autres partis, « il n’y aura de discussion qu’au cadre national. On ne part pas du modèle du Printemps. Et on ne négociera pas canton par canton ! »
Les partis font de la résistance
Que les départementales et régionales soient prévues le même jour n’aide pas : « Pour que les électeurs s’y retrouvent, il faut être cohérent. On ne peut pas partir tous ensemble aux régionales et, de l’autre, s’affronter avec des listes concurrentes d’un canton à l’autre », nous dit, comme ses collègues, un responsable local.
Une élection, c’est de la dentelle. Avec quelques ambitions dans le Vaucluse : la droite n’était parvenue à prendre le département en 2015 que parce que son candidat était le doyen d’âge ! Mais, aux municipales, l’avocat Insoumis (et ex du PS) Farid Faryssy s’était empressé de déposer la marque « Avignon en commun » en voyant se monter une liste citoyenne éponyme. Il fera 5%. Et va jouer les référents pour LFI pour les élections !
La politique, c’est subtil. Au sein de la majorité marseillaise, ce qui n’est pas du goût des autres composantes citoyennes, c’est que la start-up Mad Mars est dans les starting-blocks : « Ça s’agite un peu, confirme Christian Bruschi du collectif Réinventer la gauche. Et Mad Mars a des ambitions. Le PS y est attentif. Car, s’il ne le fait pas, la vieille garde va rester au département. La « jeune” a donc tout intérêt à “citoyenniser” ses listes. Pour les régionales, comme c’est un scrutin de liste, on peut facilement intercaler un citoyen ici ou là. Pour les départementales, avec des binômes et un mode de scrutin plus éliminatoire, la place des citoyens ne va pas être facile à tenir. D’autant que l’expérience, sauf à Marseille ou à Aix, n’a pas été très fructueuse. Les partis vont vouloir sauver leur place. »
Élue à l’urbanisme et figure de Mad Mars, Mathilde Chaboche temporise : « On reste sur la même ligne. C’est par l’union qu’on peut changer les choses. Pas question de plaquer le modèle du Printemps mais on est attentif à l’implication des citoyens. Après, comme le calendrier est incertain, on n’est pas rentré dans le tricotage ». Autre incertitude ? « Si Michèle Rubirola s’en va, dit-on en coulisses, le jeu de chaises musicales aura forcément un impact. Il faut que Mad Mars comme les partis saisissent que c’est dans le dépassement et l’union qu’on peut l’emporter. Mais certains ont du mal avec la fusée à plusieurs étages. » L’hiver qui arrive annoncerait-il un printemps pourri ?