Rien ne Val plus !
Joli village de la Provence verte, à six kilomètres de Brignoles, Le Val (83) est réputé pour sa foire à la Saucisse. Il est aussi désormais connu pour son Conseil municipal aux 14 démissions en trois ans qui obligent la commune de 4300 âmes à retourner aux urnes, les 10 et 17 mars, pour des municipales partielles. Les anciens élus pointent du doigt la gestion autocratique du maire.
Bernard Saulnier (1), sans étiquette, architecte à la retraite, a été élu en 2014 au second tour avec 40 % des voix et 30 % d’abstentions. C’est son premier mandat. Il est aussi 11ème vice-président de la communauté d’agglomération de la Provence verte, proche de son nouveau président et maire LR de Brignoles, Didier Brémond. Initialement, le préfet Thierry Leleu devait être tête de liste en 2014, mais ce dernier nommé à l’époque dans le Val-de-Marne, puis depuis 2017 au Conseil d’État, c’est finalement Bernard Saulnier qui a été parachuté.
« Il est arrivé là par défaut, confie Claude Torresilla, géomètre élu sur la liste de Saulnier en 2014. J’ai vu rapidement qu’on avait affaire à quelqu’un qui nous mènerait au désastre. J’espérais très honnêtement qu’on perde les élections. On les a gagnées et ça a été le début de la catastrophe. » Il a été le premier de la majorité à démissionner en 2016 : « J’étais prédestiné à être adjoint à l’urbanisme mais quand j’ai vu comment ça se passait, j’ai refusé car le maire décidait de tout sans en parler en commission. »
En eau de boudin
L’ancien élu donne pour exemple l’acquisition par la commune fin 2015, d’un terrain de 2,3 hectares, dit « Chabas », du nom de l’ancien propriétaire, « qui nous a été soumis en conseil municipal sans aucune préparation », précise-t-il. Les Domaines l’estiment alors à 750 000 euros pourtant la commune l’acquiert pour 1,2 millions d’euros. « J’ai demandé un report de vote pour une seconde estimation, mais finalement, ça a été voté. On parle d’argent public, tout de même ! », insiste-t-il. Son recours auprès de la Préfecture restera lettre morte. Claude Torresilla démissionne alors…
Pour les municipales partielles, il a décidé de rejoindre la liste d’initiative citoyenne, « Le Val avec vous, c’est possible », que tout le monde appelle dans le village « la liste des jeunes ». En tête, Jérémy Giuliano, 30 ans, un enfant du pays qui garde l’image d’un village dynamique lorsqu’il le quitte pour faire ses études à Nice puis au Canada. Mais lorsqu’il revient s’y installer en 2015, après son doctorat de géologie, « l’esprit village » qui lui plaisait tant a disparu. « Je passe ici mes vacances depuis des années, explique Nicole originaire de Haute-Savoie. Avant on pouvait tout trouver au village, maintenant il n’y a même plus de boulangerie ! »
L’esthéticienne et le Tabac aussi ont déserté. Les commerçants restants pointent du doigt la place piétonne flambant neuve. « C’est beau, mais quand il y a de la vie ! Là les voitures ne peuvent plus stationner sans prendre un PV, alors elles ne s’arrêtent plus », lance l’un d’entre eux. « Avant, le Val était le premier village du centre Var, tous les vendredis il y avait la fête au Foyer, aujourd’hui il n’y a plus rien pour les jeunes », regrette Bernard, la cinquantaine.
Merguez party
Autre zone de turbulence, le PLU, toujours pas voté et loin de faire l’unanimité. Certains redoutent du bétonnage et ont peur que le Val ne se transforme en village dortoir. « Il y avait des réunions d’information mais pas de réelle concertation autour de ce PLU », note Jérémy Giuliano. Il décide alors en 2016 d’organiser des réunions d’initiative citoyenne, selon lui, non dans le but de s’opposer au PLU mais pour prendre en compte l’avis de la population. « En a découlé une charte « Vivre heureux au Val c’est possible » que nous avons remise en mairie au comité de pilotage… qui n’en a rien fait, si ce n’est pour changer le nom d’un boulevard !, ironise Jérémy Giuliano. Rien d’étonnant, on est sur un développement rural là où le maire est sur un développement urbain. » Le jeune Valois n’avait pas prévu de se présenter aussi vite « mais on n’a pas eu trop le choix, vu l’alternative ! ».
Face à eux, Jean Culinati, président de la foire à la Saucisse et dernier démissionnaire du conseil municipal qui a provoqué de nouvelles élections, présente lui aussi une liste. « Ça a été bien les deux première années. Le maire tenait compte de notre avis après il a « débordé », ça manquait de communication, explique le candidat et ancien adjoint à l’environnement, à la sécurité et aux fêtes patriotiques. Ce qui m’a vraiment choqué, c’est quand, fin décembre, il a fait entrer dans la majorité, sans consulter ses colistiers, un élu de l’opposition. » Il s’agissait d’Yves Coeurdeuil, architecte, lui aussi devenu un ami opportuniste de la dernière ligne droite. Des ambitions communes seraient à l’origine de ce rapprochement… Car, oui, le maire aux 14 démissions a décidé de se représenter. En 2014, il avait choisi de nommer sa liste « Tous ensemble pour le Val ». En 2019, il a rajouté un mot : « Tous ensemble unis pour le Val. » Effectivement c’est peut-être plus prudent de préciser…
1. Le maire n’a pas donné suite à nos sollicitations. « Trop occupé », nous précise son secrétariat qui a proposé que le DGS nous recontacte hors délai.