Putain c'qu’il est blême, l’office HLM !
C’est la fête à Martigues ! Pensez donc, le FC Martigues, le club de foot martégal particulièrement bien subventionné, après des années au fin fond du championnat, remonte enfin à nouveau en national. Et le député sortant PCF Pierre Dharréville de relayer sur son compte Facebook une photo où l’on voit, de dos et bras dessus bras dessous, l’ancien directeur de Cabinet du maire et désormais patron du club Alain Nercessian ainsi que l’élu de quartier Medhi Khouani, récemment mis en examen pour « favoritisme » dans le cadre de l’enquête sur la Semivim, l’organisme HLM de la ville présidée par le maire communiste Gaby Charroux.
Et des esprits chagrins de se demander si ce ne serait pas un poil problématique. Car, dans le cadre de son contrôle judiciaire, il a interdiction de rencontrer un certain nombre de personnes dont le maire Gaby Charroux. Qui, lui aussi, était de la fête au stade Turcan. Et, à le voir en photo à côté de son adjoint au sport Gérard Frau, ses traits sont tirés.
Recrutement en cours
La période n’est pas simple. Comme nous l’a confirmé le parquet de Marseille, un nouvel élu vient d’être mis en examen pour favoritisme. Et non des moindres : il s’agit de Linda Bouchicha, l’adjointe en charge de l’aménagement urbain, de l’habitat et de la politique de la ville. Mais elle ne semble pas être soumise aux mêmes contraintes que son collègue Medhi Khouani ou de la directrice de la Semivim, Corinne Dupont, qui, eux, ne peuvent rencontrer plusieurs élus (à commencer par le maire), ni se rendre dans les locaux de l’office HLM. Sans parler de la douzaine d’entrepreneurs mis en cause.
Depuis le début de l’enquête qui s’est traduite notamment par la mise en examen et l’incarcération de la directrice du patrimoine Patricia Baptiste et son compagnon, officiellement médiateur, Adel Baha, l’organisme est dans la tourmente. Pourtant, discrètement, une petite annonce a été passée pour trouver d’ici la fin mai un nouveau directeur du patrimoine. Et d’aucuns de sourire en lisant dans l’annonce que cette personne sera « en collaboration étroite et sous l’autorité de la directrice ». Impossible dans la situation actuelle !
Grève historique
De fait, l’office a connu dernièrement deux évènements particulièrement marquants. Le 19 mai dernier, les salariés de la Semivim se sont mis en grève, une première dans l’histoire de l’organisme ! En cause ? La suppression d’une prime du fait des mauvais résultats de l’organisme qui afficherait une perte de un million d’euros. Une situation qui dit la tension entre le PDG de l’organisme, Gaby Charroux, et les salariés. Qui ne goûtent que moyennement de voir les pertes attribuées à « une baisse des ventes de foncier » alors qu’ils ne veulent, en substance, pas « payer » pour la gestion de celles et ceux qui ont été mis en cause. Tout comme il leur reste en travers de la gorge de voir l’octroi d’une prime conditionnée à l’évaluation de « l’implication » des salariés au sein d’un organisme dont le slogan est –faut-il le rappeler ?- « notre patrimoine, d’abord l’humain ».
Autre fait marquant : le Conseil d’administration de la Semivim qui devait se tenir le 23 mai a été reporté, nous dit-on de plusieurs sources, « à la dernière minute ». Une situation que nous confirme CDC Habitat, la filiale immobilière de la Caisse des dépôts dont la Semivim est censée se rapprocher dans le cadre de la loi Elan. Le service de communication de CDC refuse de commenter plus avant. Y aurait-il de l’eau dans le gaz entre les deux structures ? A voir.
Car cette réunion était loin d’être anodine. Alors que l’éclatement de la majorité « arc-en-ciel » du Conseil municipal Martigues et les mises en examen, ont eu pour conséquence un renouvellement du Conseil d’administration de la Semivim, il y avait, au menu du 23 mai, des dossiers plutôt conséquents. D’abord le budget, et le récent débrayage laisse à penser que la situation de l’organisme est loin d’être bonne. Mais aussi le rapport de l’Ancols, l’équivalent de la Chambre régionale des comptes pour les offices HLM. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est loin d’être bon. Ce document, classé « confidentiel », le Ravi a pu le consulter.
Société HLM « en grande faiblesse »
Symboliquement, à lire la « fiche récapitulative », il n’y a qu’un « point fort » (la « structure financière robuste ») et une kyrielle d’ « irrégularités » : « multiples carences de contrôle interne et d’organisation », « traitement des impayés insuffisant », « développement modeste du parc de logement sociaux », « coûts de gestion élevés », « absence d’analyse financière prévisionnelle actualisée ». Côté « irrégularités » aussi, la liste est longue : « accords d’entreprises non mis à jour ou caducs », « rapports sur l’exécution des marchés publics incomplets », « irrégularités dans le domaine de la commande publique » et de la « Caleol » (la commission d’attribution des logements), « absence de plan stratégique de patrimoine actualisé », « diagnostics techniques et entretiens périodiques non réalisés »…
La « synthèse » est sans appel, décrivant une société d’économie mixte « en situation de grande faiblesse opérationnelle. De nombreux postes, notamment de direction, ne sont pas pourvus, la définition des frontières entre directions n’est pas claires, les procédures manquent ». Assénant : « Une remise en marche de structure sur de nouvelles bases est indispensable », l’Ancols estimant que la société « doit améliorer ses procédures de commande publique, la gestion des attributions de logements, répondre aux enquêtes d’occupation sociale, s’assurer de la qualité du service rendu à ses locataires et mieux réagir face aux impayés de son personnel logé dans le parc social ».
Aucun audit terminé
A lire le détail du rapport, ce qui frappe, ce sont les termes utilisés. Si la matière est, disons, technique, les contrôleurs n’y vont pas par quatre chemins : « La Semivim n’est pas une organisation stabilisée », pointant notamment les « nombreux départs » ou les « audits dont aucun n’a été mené à terme » mais mettant en évidence « un mal-être des agents, à quelque niveau que ce soit ».
Autre point qui ne peut qu’interpeller : « Les documents relatifs à la mise en œuvre de la commande publique ne sont pas à jour des dispositions législatives et réglementaires ». De fait, tout est à l’envi. Comme quand l’Ancols relève que « la commission d’attribution des logements n’a pas rendu compte de son activité au sein de l’administration » entre 2017 et 2019 ! Ou encore que « la société n’a pas pu justifier la réalisation des diagnostics (amiante, plomb) et des entretiens périodiques (chaudières individuelles au gaz, ascenseurs) »…
En « conclusion », l’Ancols écrit : « La Semivim doit impérativement reconstruire son équipe comptable et financière. Elle doit également distinguer plus finement la maintenance des investissements », le gendarme des organismes HLM pointant des « coûts de maintenance très élevés pour un parc récent ».
Au vu de ce brûlot, on comprendrait presque pourquoi la ville de St-Mitre les Remparts, présente au sein du Conseil d’administration, a demandé à en sortir, comme nous l’a confirmé son maire DVD Vincent Goyet, ayant envoyé à son homologue martégal un courrier en recommandé le 10 mai dernier : « Avec 0,01% de participation et les récentes évolutions institutionnelles, force est de constater, écrit-il, que la commune n’est plus du tout concernée par les projets portés par la Semivim, et ce depuis déjà plusieurs années ». Et, en nous confiant avoir appris « le jour même » le report du dernier conseil d’administration, de ne pas cacher un certain agacement : « Déjà qu’avant l’affaire, on ne nous tenait au courant de rien, désormais, c’est encore pire ! Alors si, au début, on ne voulait pas tirer sur une ambulance, là, au bout d’un moment… » Oh putain, c’qu’il est blême !
A l’heure où nous mettons en ligne, la ville de Martigues n’avait pas encore répondu aux sollicitations du Ravi.