Trop gentille avec FO, la ville de Marseille se prend un recours
À la ville de Marseille, le dialogue social est en train de tourner aigre. La CFE-CGC – CFTC a déposé un recours contre la décision de la mairie de ne pas ouvrir au recrutement l’ensemble des postes de directeurs, comme elle s’y était pourtant engagée par délibération. Comme d’autres organisations syndicales, elles dénoncent un retour de la cogestion avec Force ouvrière.
Le prochain comité technique de la ville de Marseille devrait faire des étincelles. Programmé en fin de semaine prochaine, il doit notamment aborder la question de la réorganisation des services et les nouveaux périmètres des toutes nouvelles directions générales adjointes (DGA) censées faire passer Marseille dans l’ère de la modernité. Votées en conseil municipal le 9 juillet, elles sont déjà remodelées…
Moins de directeurs
Mais un autre point devrait s’inviter à l’ordre du jour. Si les syndicats minoritaires se félicitent d’un renouveau du dialogue social avec la nouvelle majorité, le 9 octobre, la CFE-CGC – CFTC a déposé une saisie devant le tribunal administratif de Marseille, un référé-suspension contre la décision de la mairie du 6 septembre dernier de ne pas publier l’ensemble des nouveaux postes de directeurs accompagnant les nouvelles DGA, également créées par la délibération 21/0390/AGE du conseil municipal du début de l’été. Jugée recevable, l’audience a été programmée le mardi 26 octobre.
Tout à sa volonté de réformer l’administration marseillaise, le maire PS de Marseille, Benoît Payan, et sa nouvelle majorité ont rapidement engagé une grande réforme de l’administration Gaudin en concertation avec les organisation syndicales. Les DGA sont passées de 13 à 7 et les directions de 90 à 40. Autant de postes qui, pour mettre fin à la cogestion avec Force ouvrière, le syndicat dit « majoritaire », devaient être ouverts à candidature, interne ou externe. Si pour les 7 DGA il n’y a pas eu de souci, le sort des nouveaux directeurs s’avère plus complexe. « Alors qu’il avait été négocié que tous les postes de directeur seraient publiés en interne et en externe et ouverts aux sortants et à tous les cadres de la ville, au comité technique du 29 juin, on nous annoncé que certains postes ne le seraient finalement pas », explique Pascale Longhi, la secrétaire générale de la CFE-CGC.
Explication de la ville, dans un courrier du 6 septembre, cité dans le référé : même si la délibération du 9 juillet « prévoit formellement la création de [tous les] postes », certains ont gardés leurs périmètres, en ont des inférieurs ou ont été recrutés récemment et ne méritent donc pas d’être renouvelés. Ces derniers seront uniquement soumis à un « entretien formel » avec leur DGA, qui jugera de leur maintien ou non à leur poste. Dans l’entourage du maire, on explique aussi qu’on ne sait pas encore combien de directions il y aura in fine (1).
Pour la CFE-CGC – CFTC, la décision du maire est « illégale et discriminatoire ». Le duo, qui a privé FO de la majorité absolue aux élections professionnelles de décembre 2018 (2), estime dans son référé que « le maire a décidé d’autorité, d’empêcher les candidatures sur ces emplois en se fondant sur des notions illégales de périmètres identiques ou inférieurs ». Il juge également qu’il « s’agit d’une restriction dans l’accès aux emplois publics, mais aussi d’une discrimination, car le maire privilégie dans ce processus certains directeurs en poste, lesquels ont la possibilité d’occuper un nouvel emploi récemment créé, sans aucune publication préalable ».
Avant-premières pour FO
Entre les lignes pointe aussi la crainte d’un accord entre le maire et Force ouvrière. « Comme par hasard, ce sont des postes détenus par des directeurs placés par FO », s’agace Pascale Longhi. Ancienne de Force ouvrière, elle avait déjà dénoncé la situation en novembre 2018, dans un « Pièces à conviction » de France 3. Attaquée en diffamation par le syndicat dit « majoritaire », elle a finalement gagné par abandon en avril 2019. FO n’ayant curieusement pas consigné les 3 000 euros nécessaires à la poursuite de la procédure…
Presque un an et demi après l’arrivée au pouvoir du Printemps marseillais, la responsable syndicale s’inquiète : « On avait beaucoup d’espoir. Ça a très bien marché pendant six à huit mois, mais on s’est aperçu de la connivence entre le maire de Marseille et Patrick Rué. » Au-delà du faux départ à la retraite du patron des territoriaux FO révélé par le Ravi – dont certains doutent qu’il sera effectif avant la fin de l’année, comme l’assure pourtant l’entourage du maire de Marseille -, les autres syndicats de la ville s’inquiètent des faveurs accordées à Force ouvrière. « FO n’assiste jamais aux réunions collectives, dénonce aussi Yannis Darieux, le secrétaire générale de la FSU de la ville de Marseille. C’était le cas de la réunion de préparation du prochain comité technique la semaine dernière ou encore de la présentation du Plan école. » Mais de pester : « Comme sous Gaudin, on nous répète que FO est majoritaire ce qui justifie tout, comme qu’elle ait droit à une présentation en visio du Plan école la veille de la réunion collective ! »
Les modifications du règlement intérieur du comité technique sur le dialogue social, qui doivent aussi être abordées la semaine prochaine, laissent donc de marbre les syndicats minoritaires. Ils ont même prévu de relancer l’intersyndicale (CFE-CGC, CFTC, FSU et normalement la CGT) pour rappeler à la nouvelle majorité municipale qu’à eux quatre, ils ont la majorité syndicale : 55,4 % contre 43,6 % pour FO. Une déclaration commune a été préparée pour dénoncer « les mondes parallèles » qui traversent aujourd’hui la ville : un dialogue social où tout serait formidable ; une réorganisation qui tarde ; des chargés de mission trop présents. La fronde syndicale qui s’amorce devrait plaire à Emmanuel Macron, qui vient faire un point d’étape sur son plan « Marseille en grand » les 15 et 16 octobre. Comme le rappelle avec délectation la CFC-CGC – CFTC dans leur référé, le président de la République avait eu la dent dure début septembre contre ce qu’il appelait lui-même un « système », enjoignant Benoît Payan à « y mettre fin au plus vite ». Comme disait un ancien premier ministre : la route est droite, mais la pente est forte !
1. Contactés, ni le cabinet du maire ni l’adjointe de la modernisation, Olivia Fortin, n’ont répondu à nos sollicitations dans le temps imparti à la rédaction de cet article.
2. Entre 2014 et 2018, FO est passé de 56 % à 43,6 % des voix aux élections professionnelles. FO a cependant gardé une majorité absolue en sièges au comité technique.