Malgré les réouvertures des lieux culturels, les occupations se poursuivent en Paca
A quelques jours de la réouverture des lieux culturels, certains se posent la question des conditions dans laquelle elle se fera. Les occupations des lieux culturels ne vont en effet pas s’arrêter le 19 mai. Si le grand plateau du centre dramatique national de la Criée à Marseille restera bloqué au moins tout le mois de mai, la scène nationale Le Zef, sa voisine du 14e arrondissement, devrait lui rouvrir au public le 27 mai, pour sa première représentation publique depuis sept mois. « Mais rien n’est sûr, tempère Catherine Lecoq, déléguée régionale du SFA-CGT (Syndicat français des artistes-interprètes). D’ici le 27, il peut se passer pleins de choses. Cela dépendra des réponses apportées par le gouvernement. »
Si la dernière revendication des occupants a été entendue, la réouverture des lieux culturels, les principales ne l’ont toujours pas été. Lancé le 4 mars 2021 avec la prise de l’Odéon à Paris, le mouvement exige d’abord l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage censée entrer en vigueur au 1er juillet. Repoussée plusieurs fois, la réunion du 11 mai entre le Conseil national des professions du spectacle et les ministères du travail et de la culture n’a pas apporté d’avancée sur ce point. Si des propositions ont été faites pour le monde de la culture – prolongation de l’année blanche jusqu’en décembre 2021 pour les intermittents, abaissement du seuil d’ouverture des droits sociaux pour les auteurs et primo entrants de moins de 30 ans, indemnités journalières pour les congés maladie et maternité -, elles restent largement insuffisantes pour les occupants. Et la réforme de l’assurance chômage n’a pas du tout été abordée.
« C’est plus d’un million de chômeurs qui verront leur allocation baisser, alerte Sophia Johnson, une comédienne varoise. Cela va provoquer une hécatombe. » Et de poursuivre : « Aujourd’hui c’est l’occasion de repenser le monde. Nous, on est en train d’essayer de repenser les choses pour que tout le monde ait un salaire décent pour vivre et les allocations qui vont avec. » « Cette lutte dépasse de loin la culture : précaires, migrants, gilets jaune, école d’arts, auto-entrepreneurs, on se retrouve tous en terme politique », acquiesce Hugo, occupant de La Criée depuis 1 mois.
Également metteuse en scène, Sophia Johnson a fait partie de l’occupation de la scène nationale Liberté – Châteauvallon à Toulon. Un mouvement qui a dû s’arrêter au bout de deux semaines suite à une décision préfectorale et sur pression de la police. Depuis, la jeune femme pratique « l’occupation itinérante » dans les lieux investis de la région. Ils sont désormais six – deux à Avignon, trois à Marseille et un à Nice -, sur les 105 lieux occupés en France. « On sera là à la réouverture, insiste la metteuse en scène, et jusqu’au 1er juillet s’il le faut. »
Occuper oui, empêcher non
Les occupations « se poursuivront partout où elles peuvent de manière diurne et nocturne, c’est ce qui a été voté en coordination nationale », précise Estelle*, comédienne et occupante du Zef. Les 25 et 26 avril, des représentants de 56 lieux occupés se sont retrouvés à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, afin d’établir une coordination des théâtres occupés. « Cela nous a permis de parler d’une voix commune et de nous organiser sur la grande question de la réouverture des lieux culturels, poursuit Estelle. Il faut être lucide, nous n’avons pas la force d’empêcher toutes les représentations. Mais surtout, nous n’avons pas envie d’empêcher les compagnies qui le peuvent de jouer. »
« La réouverture pourra être aussi un atout pour nous, on aura l’occasion de pouvoir parler avec les gens qui viendront assister aux spectacles, témoigne également Jean-Louis Refus, occupant du centre dramatique national de Nice. Nous pourrons distribuer des flyers, des tracts pour nous faire entendre. Et puis, depuis quelques jours, émerge l’idée d’envoyer des cartes postales au président de la République avec au dos, quelques-unes de nos revendications. Nous pourrons dire aux gens de les poster pour nous. C’est une petite action parmi d’autres. »
En parallèle, le mouvement va continuer à se structurer. Le 20 mai prochain aura lieu à Gardanne un regroupement de toutes les centrales CGT – de la fédérations de la pétrochimie, en passant par la santé et la culture. Tous les secteurs en lutte se retrouveront pour se concorder. Deux jours plus tard, le 22 mai, une journée nationale d’action contre la réforme de l’assurance chômage est également programmée, ainsi qu’une nouvelle rencontre de la coordination des lieux occupés.
« C’est un mouvement qu’on ne pourra pas arrêter » prédit Pierre Sauvegeot, directeur de Lieux publics à Marseille et délégué régional du Syndéac, le syndicat d’employeurs des principaux lieux publics, compagnies et ensembles subventionnés. Un organisme très mitigé sur le mouvement d’occupation.
* Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée