Présentez-vous, qu'ils disaient !
Une mamie tend un tract tout gris : « Enfin l’espoir renaît à Marseille », annonce l’avis de « naissance d’un Mouvement sans précédent » pour la « co-construction d’un programme qui mettra au pouvoir autant de citoyens que d’hommes et de femmes politiques ». Est-ce le Rassemblement inédit, cet appel lancé par Mad Mars et la gauche phocéenne ? Elle opine du chef. Et la prochaine réunion, c’est à la Belle de Mai ? « Non, ça, c’est pas nous, c’est… » Le Pacte démocratique, hasarde-t-on, ce prolongement des États généraux de Marseille ? Mémé est là pour distribuer, pas discuter : « Vous inquiétez pas, la mayonnaise va prendre ! »
Pas sûr. Car si Mad Mars est dans une démarche électoraliste, ce n’est pas le cas des États Généraux. Ni forcément du Pacte. Entre ceux qui se veulent « contre-pouvoir », ceux qui veulent constituer les listes, ceux qui raffolent des étiquettes, ceux qui y sont allergiques, la synthèse n’est pas faite. Et quand des figures politiques préfèrent mettre en avant leur engagement associatif, une voix s’élève au fond de ce café du centre-ville : « Si vous avez une étiquette politique, ayez l’honnêteté de le dire. » Grimace lorsqu’un écolo dit qu’il est là « sans mandat car on n’a pas encore tranché ». Et sourires lorsque Audrey Garino (PCF) clame : « Parmi les grosses organisations, il n’y a que le PC qui a pris une position claire. » En attendant, le Pacte n’a, comme les autres organisations, que deux sièges dans le comité de pilotage. Et ça se corse quand ça cause « démocratie », place du « citoyen », qu’entrent dans la danse stratégies partisanes et ambitions personnelles. Ou quand certaines figures associatives, comme Fathi Bouaroua d’Emmaüs, laissent entendre qu’elles pourraient se lancer avant de se raviser.
Objet politique non identifié
Il n’y a pas qu’à Marseille que c’est le bazar. Se réclamant d’une kyrielle de démarches (l’Archipel citoyen, Tous élus, la Belle Démocratie…), Avignon en commun voudrait, d’après son coordinateur Simon Valdenaire, via des « assemblées de quartier », des « débats mouvants » et du « tirage au sort », « faire revenir à la politique les plus éloignés : les jeunes, les abstentionnistes… » Sauf qu’en face, la liste écolo, elle aussi, est « citoyenne et d’ouverture ». Et, sur Facebook, il y a un autre Avignon en commun : celui de la France insoumise, la figure locale Farid Farrissy ayant été jusqu’à déposer la marque ! « Nous, on n’est pas une émanation des partis, se défend Simon. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas de militants politiques. Ça va de LFI à LREM. Mais personne avec des mandats. »
À en croire le mouvement Des communes et des citoyens qui plaide pour l’engagement des citoyens à l’occasion de ce scrutin, sur ce terrain, notre région n’est pas en reste. Mais la réalité est plus contrastée. Reste que c’est à Toulon que l’on trouve un objet politique non identifié, le « lobby d’actions citoyennes ». Comme l’explique Philippe Leroy, de l’association Robin des Bancs en faveur du retour de cet objet dans les rues de Toulon, « on s’est dit que si l’on est capable de se mobiliser pour une cause, ce serait mieux de le faire pour toutes celles qui nous tiennent à cœur. L’idée du lobby est née suite à un forum des Colibris afin que des gens totalement différents – les partisans d’actions violentes, ceux favorables à des démarches plus établies – travaillent ensemble et soient force de proposition ». Notamment avec la « liste citoyenne Toulon 3D ».
« Citoyen », un marché
Mais, sauf exception, on retrouve souvent derrière ces listes des figures, elles, issues des partis traditionnels. Le communiste arlésien Nicolas Koukas a lancé sa campagne sur le thème « dialogue citoyen et démocratie participative » tandis qu’à Gardanne, son homologue Claude Jorda vient d’être investi par un « collectif citoyen ». Et, à Aubagne, le torchon brûle entre l’écolo Denis Grandjean et Aubagne la commune au sein duquel il s’est investi pendant deux ans mais qui soutient désormais la communiste Magali Giovannangeli. Au point d’avoir, comme il nous l’a confirmé, viré de sa conférence de rentrée Méfi !, un blog qui roule ouvertement pour Aubagne la commune.
Aix-en-Provence (13) n’est pas en reste. En atteste Aix en partage qui plaide pour une liste unique à gauche. Un membre de Démocratie pour Aix ironise : « Ça réunit des personnes qui nous ont quittés comme Gaëlle Lenfant du PS ou Hervé Guerrera du Partit Occitan. Pas vraiment ce qu’on peut appeler des personnalités d’envergure. Et EELV, comme les Insoumis, hésite encore. » Ambiance ! Le pompon ? Décroché par le député macroniste Saïd Ahamada, qui, dans la course à la mairie de Marseille, est soutenu par le collectif Nous Citoyens, présidé par Cécile Vignes-Mosch, qui officie aussi au comité du 11-12 d’En Marche…
De fait, le citoyen, c’est un marché ! le Ravi s’est vu proposer un « partenariat » pour « valoriser » ses « contenus » sur le site « MM2020 » dont l’objectif est de « rapprocher les citoyens et acteurs locaux des candidats et partis afin de faire entendre leur voix ». Pour l’heure, ce « comparateur de programmes » en ligne est pour le moins spartiate, on ne peut qu’y indiquer la thématique que l’on juge prioritaire. Derrière, Smart Futures, une start-up qui propose des « solutions de participation citoyenne ». Son fondateur : Daniel Vanetti qui, avant de passer par The Camp, avait lancé une appli de « recyclage participatif ». Et fait, pour EELV, 2,51 % aux législatives à Marseille.