Les "loups" du Jas de Bouffan
À la fin de son intervention, Cathy Bellot, professeure de danse, cheveux rouges courts et lunettes sur le nez, fait part de ses inquiétudes : « Je crains que ce soit récupéré par les politiques, ça va les intéresser. Les loups sont au coin du bois. » Ce vendredi 13 décembre, le collectif interquartiers Générations citoyennes aixoises organise une réunion publique au centre social les Amandiers au Jas de Bouffan, conviant les habitants (du quartier ou d’autres de la ville) à faire remonter leurs préoccupations en vue des municipales en mars.
Un collectif qui s’est donné aussi la mission d’inciter à s’inscrire sur les listes électorales. « On attend un rassemblement, les gens ne se parlent plus et les politiques, à part au moment des élections, on ne les voit pas », explique, peu avant le début des débats, Sid-Hamed, la quarantaine, ne souhaitant pas donner son patronyme. Environ 50 personnes sont présentes.
Le Jas de Bouffan est actuellement le quartier le plus peuplé d’Aix-en-Provence, avec 38 000 habitants (dont 7 000 situés en « quartier prioritaire de la ville ») où se côtoient grands ensembles HLM et petits pavillons résidentiels. Dans son introduction, Sid-Ahmed Bouazza, le président du collectif, se demande « comment en est-on arrivé là ? », parle « d’échecs collectifs » mais aussi de « propositions » pour un « sursaut aixois ». Les revendications, à travers les différentes prises de parole, sont éternelles : l’éducation, le trafic, l’avenir des jeunes, la propreté, le manque de mixité, de meilleures conditions de logement…
Le ton monte
Les « loups » de la politique sont bien là : l’avocat Stéphane Salord, tour à tour adjoint UMP de Maryse Joissains, puis farouche opposant multi-cartes, aujourd’hui tête de liste Vert Aix ; des membres de la liste de gauche Aix en partage ; Francisco Marquez, jeune du quartier Besson, qui a lancé une liste Libert’Aix ainsi que l’attaché parlementaire du député Modem Mohamed Laqhila, Bernard Fiocchi. Ce dernier, costard sombre, prend la parole, assure qu’il « fait bien partie des loups » mais qu’il n’est pas là « pour dérouler un programme mais écouter les gens » tout en parvenant à placer le nom de son candidat à plusieurs reprises. Il finit, un peu provocateur, en demandant quelle est la différence entre un parti politique et ce collectif.
L’ambiance se tend : « C’est une réunion pour les habitants, on ne va pas faire de filtrage. Si vous êtes venus écouter, alors écoutez ! », s’énerve le président. « Les élus écoutent mais n’entendent pas ! », enchérit la secrétaire du collectif, Houria Hannachi. D’autres personnes s’en mêlent, le ton monte, on ne comprend plus grand-chose. Près de la moitié de la salle, jeunes et moins jeunes, s’en va, excédée par la tournure des événements.
Les interventions continuent tout de même. Un homme au fond de la salle prend la parole pour la première fois : « La différence entre ce collectif et une liste municipale c’est que les politiques viennent avec un programme et promettent de raser gratis. Le collectif doit faire de la politique, mais au sens noble, en se structurant et en créant un rapport de force. Avec la ville, les bailleurs sociaux… Et s’éloigner un maximum de tout représentant politique. » Exemple flagrant du jeu complexe et intéressé entre citoyens, qui souhaitent désormais s’organiser par eux-mêmes, et politiciens à la recherche d’électeurs.