Portrait satirique de l’abbé Xavier Beauvais, avril 2016
Un homme joufflu en soutane trébuche dans la rue devant un étal de bananes qu’il fixe les yeux exorbités comme pris de panique. « Nous sommes devant le spectacle que nous offre la désolation française et celle de l’Eglise ! » (1) L’abbé Xavier Beauvais se ressaisit, reprend sa route, en marmonnant en boucle une prière profane : « Y’a bon Banania ! Y’a pas bon Taubira ! » (2). S’ils m’entendent, ils vont encore me traîner en justice. Lors de mon premier procès, j’ai été relaxé en expliquant que n’ayant ni ordinateur, ni téléphone portable, ni télévision, je n’avais pas saisi la connotation raciste de ce slogan. Hé hé !
« Mais qu’y-a-t-il de changé dans ce monde où règnent les guerres, le mensonge, la haine, la démocratie, les condamnations injustes ? » (1). Ils ont été moins naïfs à la cour d’appel de Paris qui m’a condamné à 2000 euros avec sursis pour « injure raciale » (3). J’avais scandé ce jeu de mots spirituel lors d’une manif contre la « christianophobie » avec mes amis de Civitas dont je suis le conseiller doctrinal. Nous avons perdu une bataille, le mariage pour les invertis a été adopté. Mais on a sabré le champagne, au prieuré Saint Ferréol à Marseille dont je suis le prieur, à la mémoire de Christiane Taubira après sa démission ! (04) Il éclate de rire en poussant des petits cris et en imitant une démarche simiesque.
« Devant la manière avec laquelle s’accélère la pourriture morale, la tentation est grande de perdre courage » (1) Pendant plus de dix ans, j’ai été prieur à Paris de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, un lieu saint où l’on mène « le combat contre révolutionnaire, car c’est bien la Révolution sous toute ses formes moderniste, laïciste et mondialiste qu’il faut combattre » (05). C’est à Saint Nicolas que Marine Le Pen a fait baptiser ses trois enfants avant, elle aussi, de céder « à la perversité du divorce » (06). Mais depuis que Monseigneur Lefebvre n’est plus, même la Fraternité sacerdotale Saint Pie X redoute la fermeté de ses fervents apôtres. Ils voulaient m’envoyer en Espagne. J’ai obtenu Marseille.
Je connais bien cette ville. Après mon service militaire chez les parachutistes du 6ème Ripa, lorsque j’ai été ordonné prêtre par Monseigneur Lefebvre, avant qu’il ne soit prétendument excommunié par Rome, j’ai déjà été prieur à Marseille durant sept ans dans les années 80. Mon frère, Étienne, est aussi abbé à la Fraternité, en poste à Avignon et à Marseille. « Nous sommes sept enfants. La vocation est née chez moi tout petit. En 68, mes parents allaient à la messe tous les matins… » (7) La mairie de Marseille est bienveillante. À Noël, elle nous prête un chalet pour que nous puissions vendre les articles confectionnés par les mamans de notre école Saint Ferréol. J’apprécie aussi Catherine Giner, l’adjointe à la famille de Jean-Claude Gaudin. Elle a mené les « manifs pour tous » dans le département. Christian Estrosi vient de lui confier au Conseil régional « l’intergénérationnel ». Amen !
« Abominable société occidentale »
Ah, la famille ! Les femmes en sont le cœur sacré. « La mère, qui a enfanté ce petit corps dans la douleur, doit accepter, pour toute la vie, les renoncements prolongeant ses douleurs. » (06) Disons-le haut et fort : les femmes ont un rôle central « mais cela ne détruit pas, bien au contraire, l’ordre qui constitue l’homme chef de la femme car (…) Dieu a mis les créatures inférieures au service de l’homme. » (06) L’abbé Beauvais se fige, lève les bras au ciel et se met à parler à voix haute devant les passants interloqués. Hélas, il y a ce diabolique « changement » dont le pape François prétend qu’il ne faut pas avoir peur ! Et cette perversion de « l’abominable société occidentale « moderne », laïciste, féministe, abortiste et « homosexualiste » » ! (8)
Je combats le libéralisme, le naturalisme. « La notion du péché, de l’enfer, du démon, du rédempteur, du sacerdoce, tout a été emporté (…) Ça sent le souffre quand on supprime les flammes de l’enfer ! » (9) « Dès 1789, la confusion fut en quelque sorte érigée en principe » (1). « Notre civilisation républicaine n’est plus qu’une longue insulte et un grand cri de révolte contre la création. » (6) Les 89 personnes assassinées au Bataclan l’ont été au moment même où le groupe de rock américain Eagles of Death Metal prononçait ces paroles : « Kiss the devil ! », embrasse le démon ! (08)
Avec les attentats « de l’Islam fanatique et inhumain (…) nous sommes devant un châtiment plus que mérité pour une société qui est abominable aux yeux de Dieu, en raison de tous types de scandales et d’iniquités sans nombre : la pornographie de masse, l’athéisme d’Etat, la destruction systématique de la famille, la perversion en règle de l’enfance et de la jeunesse avec la « théorie du genre » et « l’enseignement laïc », la haine viscérale de l’Eglise, le prétendu « art » blasphématoire… » (08) L’abbé retrouve son souffle et prend un air extatique.
Heureusement, face à la fange putride du matérialisme hédoniste, il y a l’enthousiasme qu’incarne notre jeunesse. À mes catéchumènes et à mes ouailles, je conseille des ouvrages d’une grande profondeur : par exemple, Les âmes qui brûlent de Léon Degrelle, « cela peut être un bon tremplin vers le surnaturel, pour que notre jeunesse ait une âme qui brûle de foi, de charité et d’espérance » (7). Mon Dieu, on va maintenant me reprocher de faire l’apologie d’un obersturmbannführer de la Waffen-SS ! « Comme nous vivons dans un climat de terreur idéologique, il vaut mieux taire certains noms… » (05).
Portrait publié dans le Ravi n°138, daté mars 2016