De Carolis, gloire et autorité
Patrick de Carolis aime l’ordre, la sécurité et se la jouer. Parfois jusqu’à frôler le ridicule. Arles n’avait pas de défilé militaire pour le 14 juillet, qu’à cela ne tienne ! A la manière présidentielle, une estrade décorée de petits drapeaux bleu blanc rouge est installée sur les Lices, les Champs Élysées locaux. Même avec un espace réservé aux enfants de la paroisse pour mettre l’ambiance, le défilé reste famélique. Promis, pour l’année prochaine, le nouveau marie d’Arles (1) souhaite faire venir la patrouille nationale. A la grande !
Avoir été président de France télévision, donne l’habitude d’un certain niveau de vie. L’enveloppe du cabinet du maire va désormais s’élever à 286 358 euros en 2022, le double par rapport à l’ancienne mandature. Enveloppe à laquelle il faut ajouter le poste de médiateur de la mairie créé pour son ancien directeur de campagne et un poste au service communication, notamment pour la rédaction des discours du maire. Pourtant, ce n’est pas la fête pour tout le monde. Si les subventions aux associations ont baissé, en 2021, la ligne budgétaire de réception de la mairie, est passée de 50 000 à 170 000 euros. La mairie justifie cette inflation, dans La Provence (14 /03/2021), en raison de 96 000 euros investis pour recevoir la finale du championnat de France de beach volley dans les Arènes. Si la manifestation n’a pas attiré la foule escomptée, elle a fait partie des éléments qui ont coûté la place à l’ancien directeur du patrimoine (2). En interne, il protégeait les monuments contre leur utilisation à chaque idée des élus. Il s’était opposé à l’idée du terrain de volley, d’une patinoire pour Noël, d’un buffet pour un festival « art and food », d’un DJ en live pendant le confinement… Des techniciens qui ne sont pas au garde-à-vous et rappellent des réglementations contraignantes, c’est pas du goût de la municipalité…
Passage en force
Le nouvel organigramme, imposé « sans concertation » selon les syndicats, ne serait pas adapté à la ville. Il a été mis en place par Bertrand Sert et calqué sur la ville de Meaux par l’éphémère directeur général des services. Mais l’ancien collaborateur de Jean-François Copé (LR), recruté par de Carolis, n’a pas goûté l’expérience arlésienne. Un an après son arrivée, il a déjà jeté l’éponge. Tout comme la nouvelle directrice des ressources humaines, arrivée pour remplacer l’ancienne mise au placard. Des postes stratégiques qui ne se font pas à la main du nouvel exécutif. Qu’importe, pas de remise en question de la méthode. Du haut de son olympe, Zeus de Carolis fait passer un courriel à tous les agents où il dit « tout mettre en œuvre pour remettre la maison Arles en ordre » et renvoie la responsabilité des départs de ses cadres sur « le dialogue social tendu ». Son meilleur argument ? « Que tout le monde soit d’accord ou pas, à un moment il faut avancer », explique-t-il en conseil municipal.
« La municipalité en a rien à faire du dialogue social. Ils n’écoutent rien, sont sûrs d’eux, persuadés que nous sommes des fainéants embauchés par piston », analyse Nouredine Bouaziz de la FSU territoriaux d’Arles. A la CGT, la FSU comme FO, les trois syndicats représentatifs de la mairie d’Arles, les mots sont les mêmes : « Le dialogue social n’existe pas. » « C’est encore pire qu’avant, c’est une destruction des services qui fonctionnaient », estime Patrick Ferré de FO. Dès son arrivé, Patrick de Carolis a supprimé la présence des représentants du personnel pendant les jurys des avancements et promotions. « C’était un rempart contre le clientélisme, cela permettait de rassurer les agents et de leur expliquer les décisions », explique Maria Nogueira, responsable de la CGT territoriaux. « Ils ne respectent tellement pas les syndicats qu’ils refusent de nous faire passer des documents », témoigne Abd El Kader Bouaziz, de FO qui a demandé le tableau des effectifs sans succès. Pourtant, la mairie doit le fournir, c’est la loi.
Mépris de l’opposition
En bon animal politique, même quand les faits lui donnent tort, le Patrick ne sourcille pas. « Je n’ai jamais coupé le micro à personne », assène-t-il lors du conseil municipal du 4 novembre, quelques minutes après l’avoir fait pour Jean-Frédéric Déjean (PC) et quelques minutes avant de réitérer pour Mohammed Rafaï (PS), deux élus d’opposition. « C’est radio chiotte ! », coupait, énervé, le maire accusé d’avoir fait le jeu du RN aux dernières régionales.
Côté démocratique, c’est service minimum. De plusieurs commissions de travail préparatoire, la transmission des délibérations aux élus passe au minimum légal, soit 5 jours avant le conseil municipal. « Écoutez madame, le conseil municipal, ce n’est pas un stage de formation. Posez vos questions aux services par écrit avant le conseil municipal, mais là, vous ne pouvez pas arriver comme une fleur bleue, il faut vous former madame ! », claque-t-il comme un professeur à une élève, face à Virginie Maris (liste écolo-citoyenne), conseillère municipale d’opposition. Pourtant, il y a un an, un engagement public avait été pris pour organiser une cession de formation pour les élus. Virginie Maris, chercheuse au CNRS, reste encore choquée de la « mauvaise foi et du mépris » affichés par le maire. « Quand on demande des documents, ils n’arrivent jamais ! » A quoi on reconnaît un bon communicant ? Continuer à chanter, même les deux pieds dans la boue.
1. Membre depuis octobre d’Horizons, micro-parti de droite fondé par Édouard Philippe soutien de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron.
2. Patrimoine : massacre à l’organigramme, L’Arlésienne n°13, automne 2021.