"Si Marseille était vue comme une Rolls Royce..."
L’une des conséquences de l’affaire DSK a été de mettre en lumière une gauche très argentée. Êtes-vous choqué par tout ce qu’on apprend ?
Nous savions que Dominique Strauss Khan était un joyeux fêtard, qu’il aimait beaucoup courir un peu comme votre lapin Duracell (cf. portrait ci-contre). Mais de là, à devenir violent, personne ne pouvait l’imaginer, si cela est avéré bien sûr. Par contre, les revenus de son couple, ce n’est pas une trouvaille. Il est d’ailleurs possible d’avoir de l’argent et d’être de gauche, tout comme on peut être pauvre et voter à droite. Mais investir une maison luxueuse dans ce contexte, je trouve cela d’une imbécillité totale.
Dans ce contexte, doit-on s’attendre à une belle pagaille pour les primaires du PS ?
Les premiers sondages montrent que ce qui vient d’arriver ne profite pas spécialement à la droite. En interne au PS, se dessiner un complot « tous sauf Hollande ». Si c’est au niveau des choix programmatiques, je m’incline. Si c’est autre chose, c’est agaçant ou imbécile.
Vous avez un candidat ?
Je n’ai pas encore fait de choix définitif. Je suis assez proche de François Hollande, parce qu’il incarne cette sociale démocratie, celle du courant Rocard, dont j’ai toujours été partisan.
Qu’attendez-vous de l’enquête interne qui suit son cours sur la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône ?
Le système de la démocratie interne n’est pas facile parce que les sections sont énormes. Aucun débat démocratique n’est possible quand vous êtes près de 400. Lorsque j’ai pris la fédération au « baron » de l’époque [Gaston Deferre, NDLR], j’ai découvert des sections de 2 000 personnes sans salle pour les réunir. J’ai essayé de casser tout ça et de limiter les sections à 200 personnes. Il faut retrouver un esprit de dialogue. Je pense que cette enquête va permettre de redistribuer les cartes, de mettre les choses à plat et d’adopter un fonctionnement un peu plus démocratique.
Martine Aubry osera-t-elle vraiment affronter la puissante « fédé 13 » ?
Si elle est candidate aux présidentielles, elle devra veiller à son image. Elle ne peut pas accepter qu’il y ait des critiques extrêmement fortes envers une fédération. Elle a bien mis sous tutelle celle de l’Hérault. Cela dit, même s’il y a des erreurs, un manque de discussion, je ne crois pas qu’il faille aller jusque-là dans les Bouches-du-Rhône.
Pourquoi ne pas vous être présenté face à Jean-Noël Guérini au conseil général comme certains vous y invitaient ?
C’était sympathique de penser à moi. Rien n’empêchait Jean-Noël Guérini d’être candidat. À partir du moment où la première secrétaire du parti, Martine Aubry, souhaitait laisser la situation en l’état, je me suis incliné. Je reconnais que j’ai parfois été plus indiscipliné…
Entre le rapport Montebourg et l’affaire judiciaire qui concerne son frère, mais dans laquelle son nom revient souvent, Jean-Noël Guérini aurait-il dû abandonner la présidence du conseil général ?
C’est une décision personnelle. Dans un premier temps, il envisageait de présenter sa démission s’il était mis en examen. Puis, s’il était renvoyé devant le tribunal correctionnel. Il continue à dire que ce n’est pas parce que son frère s’appelle Guérini et lui aussi qu’il est coupable. Cela peut se concevoir. Mais je pense que Jean-Noël Guérini aurait eu tout à gagner en disant « je laisse passer l’orage, je continue mon travail de sénateur et de simple conseiller général ».
Autre affaire, celle qui concerne Bernard Granié [Président PS du SAN Ouest Provence et condamné en première instance pour corruption, NDLR] dont vous êtes l’avocat. Pourquoi ne lui avez-vous pas conseillé, à lui aussi, d’abandonner ses fonctions ?
Techniquement, ce qu’on lui reproche n’est pas possible. Même si l’avocat général, qui cherche à tout prix à le faire tomber, ne pense pas la même chose.
Un mot sur l’omniprésence du syndicat FO dans la politique marseillaise et ses conséquences ?
La politique, c’est toujours un rapport de force. Sauf que, aujourd’hui, face à FO territoriaux à Marseille, personne ne résiste, que ce soit M. Gaudin à la mairie ou M. Caselli à la communauté urbaine. Et cela parce qu’ils ont peur d’affronter un syndicat puissant, capable de déclencher une grève à tout moment. Il faut savoir dire stop. Mais je ne peux pas en vouloir à FO. D’ailleurs, puisqu’ils obtiennent tout ce qu’ils réclament, pourquoi s’arrêteraient-ils ?
Muselier, Gaudin et maintenant Caselli défendent le projet d’une grande métropole. Y êtes-vous favorable ?
C’est un sujet biaisé qui est devenu plus tactique qu’autre chose. Ce n’est pas un rêve positif. Qui aujourd’hui a envie d’aller vivre dans une métropole ? Je suis favorable à la subsidiarité. Il faut confier la responsabilité à ceux qui sont le plus proches de ce que l’on doit faire.
Comment expliquez-vous qu’on organise mieux les territoires ailleurs qu’à Marseille ?
On a perdu beaucoup de temps. Dans les années 1970, je pensais vraiment qu’il fallait créer une agglomération. Gaston Deferre n’en voulait pas parce que les municipalités concernées étaient communistes, et il pensait perdre sa majorité. Maintenant, il ne sert à rien de rajouter quelques communes à la communauté urbaine. Mais réfléchir à une grande métropole avec Martigues, Aix-en-Provence et Aubagne pourrait vraiment apporter des ressources. Si Marseille était vue par ses voisins comme une Rolls Royce politique et économique, tout le monde viendrait.
Autre dossier, dont vous avez la charge au conseil général, celui de Marseille 2013. Pourquoi avoir protesté lors du remplacement du directeur, Bernard Latarjet ?
Lorsqu’il a fallu remplacer Bernard Latarjet, il paraissait logique qu’on nous informe en premier, en tant que membre du conseil d’administration, qu’il y ait au moins un échange. On a appris par la presse le nom de son successeur. Cela a rendu fous de rage Maryse Joissains ou Roger Meï, le maire de Gardanne. Et je les comprends.
Les élus ont du mal à jouer collectif avec cette capitale européenne de la culture. Ils veulent tous que chaque euro investi leur rapporte directement. N’est-ce pas une vision très étroite, à court terme, d’un événement censé fédérer une ville et tout un territoire ?
Comme pour la métropole, les élus ont une telle peur d’être dévorés par Marseille ! Chacun est dans son village gaulois. Mais si Marseille était suffisamment attractive, ils la rejoindraient. Or la ville est en déficit, a des emprunts, n’a pas de dynamique. C’est une réalité.
Faire de la politique, ce n’est que gérer des problèmes ?
J’ai peur que ce soit vrai. Mais c’est aussi se demander pourquoi ces problèmes existent et quelle réponse globale et positive on peut y apporter. Les gens sont dans une grande souffrance et nous demandent une réponse immédiate sur leur quotidien.