Prenez garde à la jeune garde !
« Sincèrement, nos liens avec le parti communiste, c’est surtout pour des questions pratiques, assène Nicolas Testart, secrétaire fédéral des jeunes communistes des Bouches-du-Rhône. On n’a plus la même ligne, on veut être un parti de classe, révolutionnaire, ce n’est pas le cas du PCF. » En juin, les militants des JC se sont pourtant encore réunis, pour leur traditionnelle fête avant l’été, dans le siège du parti centenaire à Aix-en-Provence. Parmi les présents, des militants de Lyon ou de Saint-Etienne – « des fédérations amies » selon Tina Friedrich, la responsable de la section des JC d’Aix-en-Provence – mais aucun responsable départemental du PCF.
Du côté de la jeune garde, cela ne surprend personne. « On n’est pas ennemis mais on ne défend juste pas les mêmes choses », explique un militant. Le local réservé aux JC se distingue rapidement : il est le seul sans affiches, placardées sur les murs, de Ian Brossat, le candidat PCF aux dernières élections européennes. « Nous n’avons pas fait campagne pour lui. Nous sommes bien évidemment internationalistes, mais cette Union-là, nous n’en voulons pas », affirme Nicolas Testart, 25 ans.
Indépendance et dissidences
« Des différences de lignes politiques, il y en a toujours eu pour les jeunes communistes et le PCF », précise Guillaume Quashie-Vauclin, historien des organisations de jeunesses communistes et membre du PCF. Depuis la fin des années 60, des jeunes dénoncent un parti qui serait devenu ‘‘trop réformiste’’ à leurs yeux. » Mais avec un interventionnisme moins fort des dirigeants du parti que dans les années 60, la critique s’exprime avec beaucoup plus de force : « En faisant campagne pour l’abstention aux européennes, une ligne rouge a été franchie par la JC des Bouches-du-Rhône, j’ai été assez surpris de l’absence de réponse de la direction », constate le spécialiste. L’historien Roger Martelli, co-directeur du magazine Regards, mesure lui aussi une accentuation des dissensions « depuis la refondation avec Robert Hue dans les années 2000 ». Mais sans être étonné que les JC puissent s’opposer radicalement sans réelles conséquences : « Le parti n’exclut plus et il n’y a plus vraiment de sanctions disciplinaires… »
Le Mouvement des jeunes communistes de France est statutairement indépendant du PCF, ce qui le distingue par exemple des jeunes socialistes formellement liés au PS ou des « Jeunes avec Macron », dépendants de la République en marche. « Qu’on adhère ou pas à la ligne des jeunes communistes des Bouches-du-Rhône, au parti, on n’a pas notre mot à dire, confirme Jérémy Bacchi, le secrétaire fédéral départemental du PCF. Lors de notre dernier congrès, nous avons décidé de nous adresser davantage aux jeunes, ils sont l’avenir de notre pays. » Malgré tout, il admet que « les stratégies différentes avec la JC » ne rendent pas très audible le parti auprès de la jeunesse. La « fédé 13 » a ainsi créé un « collectif jeune » pour les militants souhaitant s’impliquer dans le parti mais qui ne seraient pas sur la même ligne que les 80 adhérents revendiqués de la JC. « Ce collectif, pas vraiment structuré, n’a absolument pas vocation à supplanter les jeunes communistes », précise prudemment Jérémy Bacchi qui, comme la plupart des élus et responsables du PC, ont fait leurs armes aux JC…
Retour aux fondamentaux de classe
En attendant, les jeunes communistes des Bouches-du-Rhône ont rejoint une « inter fédération » avec leurs camarades du Bas-Rhin, de la Loire et de Lyon. « Il est temps désormais de mettre un terme à l’impunité de la direction nationale, il est temps de revenir aux fondamentaux de classe du mouvement communiste, clame haut et fort Tina Friedrich devant ses troupes à Aix-en-Provence. Nous lutterons sans relâche contre l’opportunisme, le révisionnisme, le réformisme jusqu’à la victoire finale. » Même lors de la traditionnelle Fête de l’Humanité, du 13 au 15 septembre en Seine-Saint-Denis (93), les JC des Bouches-du-Rhône feront stand à part. « On peut se filer un coup de main bien sûr, mais on gère notre propre stand avec les camarades de Lyon et du Bas-Rhin », précise Nicolas Testart.
Une alliance des jeunes communistes dissidents qui ne plaît pas beaucoup à la tête du Mouvement des jeunes communistes de France. L’an dernier, la banderole proclamant « pour la révolution et le socialisme : Organise ta colère ! » avait été arrachée dans la nuit. Pour les militants présents, pas de doute, ils auraient reconnu la voiture d’un des membres de la direction du mouvement… « Contre le rouleau compresseur Macron, on n’a pas d’autres choix que de lutter tous ensemble. Nous devons travailler main dans la main », espère toujours Jérémy Bacchi. Nicolas Testart est moins optimiste : « Face à toutes ces contradictions et ces différences politiques, je ne pense pas qu’on aille vers plus de lien entre nous. Mais bien évidemment, sur le terrain, dans les moments de lutte, on se retrouve… »